C’est dans le car. Le car de ramassage nous conduit au lycée. Je ne sais plus sur quoi c’est écrit, recopié au propre, je le lui fais lire. Lui c’est « copain de landau » — c’est ainsi qu’aux autres on se présente. Lui pour cause de résultats scolaires décevants, moi parce que « hors de question de te laisser toute la semaine à l’internat après ce que tu nous as fait » — une quinzaine de 33 tours et cassettes dans un seul blouson alpagué à la sortie du Carrefour —, on se retrouve, pour la première fois depuis le CE1, dans la même classe, lycée privé, demi-pension. L’approche de la Loire se signale par un énorme, tubulaire banc de brouillard, à quasi masquer le double panache de la centrale. Le car s’enfonce : blanc — blanc du banc et blanc entre nous, sièges côte à côte vers le fond mais pas trop, à deux trois rangs des gars du fond qui passent des cassettes de U2 au chauffeur, le temps de sa lecture. En bas du lycée, le Balto, qg de notre prof de français — Pantagruel, Madame Bovary, Les Fleurs du mal — et un disquaire où j’ai acheté — j’ai dit acheté : depuis mon jugement, je touche de l’argent de poche — à sa sortie la cassette. D’où en avais-je vent ? Best évidemment — les Inrockuptibles démarraient à peine — parce qu’il fallait dans cette province en passer par lire, avant de pouvoir écouter enfin. D’où vient que la lecture pour moi a été le véhicule du désir ? Je ne me souviens pas du contenu de ce que je voulais être une chronique d’album. Évidemment les chansons — les chansons, je n’ai plus besoin d’aucun appareil pour me les rerepasser encore. Évidemment sa voix. Je me souviens seulement d’une digression à propos de la posture de l’artiste sur la pochette, entre défense et attaque. En bas du lycée devant la Poste le car nous débarque, lui, mon unique lecteur, ne trouve trop rien à en dire : c’est bien. Ben oui, ce soir : rien à en dire trop — c’était bien. Merci.