#BOOST #08 | Appelants

Le moment autour d’une table. Le moment où elle dit : dans l’écriture il y a le temps. Ou le moment où elle me dit : dans un livre il y a le temps. Elle me dit : … mais il y a le temps… n’oublie pas…

… Le moment de l’étonnement. Moment coi. Un moment sans réponse. En suspens : un temps… Ou plutôt, ou plus tard, ensuite : la longue, la longue, longue durée de l’incompréhension. Non prise en compte du temps. Une première période de vie dans l’inconscience du temps. Puis. 

Les moments où je comprends ce qu’elle voulait dire par : le temps. Les moments, imprévisibles, où ce qu’elle a dit me revient. Les moments où je rejoins ce qu’elle m’a dit. Les moments rares où écrivant je rejoins le temps. Trop rares moments où je prends conscience du temps à l’œuvre. Et. 

Moments à venir, au cours desquels je laisserai s’écrire le temps. Prochains moments. Moment désiré d’où je verrai passer le temps. Un moment de désir consistant à voir, sentir venir le temps. Le moment venu de prendre le temps.

Just a moment… Nous vérifions que vous êtes humain. Cette opération peut prendre quelques secondes.
Un instant… Confirmez que vous êtes un humain en effectuant l’action ci-dessous.


✔️
… doit vérifier la sécurité de votre connexion avant de continuer.
En attente de réponse de l’URL …

Un Insta.
(Un Insta n’est pas instantané. Chaque Insta prend un peu de ton temps.)

Du latin momentum, contraction de movimentum.
Un moment : un mouvement.

Un moment d’emportement.
Un moment regrettable.
Un moment d’altération du discernement.
Moment décisif.
Le moment de l’irréparable.
Un moment avec un avant.

Comme si un moment était un être.

Impact. Onde autour. Propagation d’un moment.

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#BOOST #07 | Les énoncés performatifs

Les coudes sont plantés dans les mousses. Les pieds sont sur les pointes. Les jambes, tronc et cou sont alignés parallèles au sol. Poing droit dans la main gauche, pouce sur pouce.

, 1, 2

Le nom du Lamier pourpre est tiré du mot grec désignant la gorge : le gosier, sa corolle évoquant une gueule ouverte.

Les coudes sont plantés dans les mousses.

Le parfum de la Violette odorante anesthésiant légèrement les récepteurs olfactifs, laisser passer quelques instants afin d’y être à nouveau sensible.

Les pieds sont sur les pointes.

La Pâquerette est l’œil du jour. Tolérante à la tonte même rase, sa fleur se ferme à la nuit en défense contre les herbivores : limaces, chevreuils.

Les jambes, tronc et cou sont alignés parallèles au sol.

Les extraits de la Véronique de Perse ont une capacité antioxydante et une activité inhibitrice sur les enzymes clés du diabète de type 2.

Un signe : les muscles abdominaux et fessiers tremblent.

Le nom scientifique du Lierre grimpant est une forme du verbe latin signifiant être attaché.

Poing droit dans la main gauche, pouce sur pouce.

, 3

Sans détacher ses yeux ni 1, du fond ni 2, du carrelage à travers l’eau mais en louchant sur 3, le tremblement liquide comme si était œillères en même temps que 4, lentille, déformante sinon grossissante et encore 5, comme un museau de transparence, les lignes de la pièce dansant dans son cercle le verre 6 : vidé d’un trait si ce n’est en un souffle, ne reprenant ce dernier que 7, dans la précipitation sonore d’un enchaînement de 8 pleines gorgées.

, 4

sur le pouce

Le silence se sera approfondi…

Je compte sur l’index.

L’avion approfondisseur de silence… aura passé.

Je retiens sur mon majeur.

L’avion spatialiseur du silence au-dessus de la tête.

— Est-il l’avion aux masques ? Nous manquons de masques… Je compte sur mon annulaire.

Le silence est le grand respirateur.

annulaire bis —

Le silence est le grand conspirateur.

annulaire ter — 

Le silence est la grande inspiration.

Conte à mon auriculaire. Ce que haut au ciel un avion — un à la fois — me ronronne, que

La laisse sonore des avions de ligne fait à l’atmosphère une expiration continue.

, 5

sous — noir — un paillasson (bords entamés)
sous — jaune — une cagette de clémentines ou de bulbes (bois et filet plastique, défoncée)
sous — bleu — un filet d’écumoire de piscine (manche ?)
sous — blanc — des morceaux de polystyrène expansé (désagrégé)
sous — gris — des dalles emboîtables en mousse de tapis de sol (déchirées)
sous — rouge — un seau à système d’essorage ergonomique (« pas besoin de se baisser »)
sous — verts — des déchets de taille (thuya, bambou)
à cheval sur le bord (de la chaussée — photographier)
mauve — un drap-housse (140 cm, entier)

ou

Tombée du ciel des compléments de lieu où elle saute aux yeux, la maison, y demeure suspendue cependant.

je varie

Tombée du ciel des compléments de lieu
llllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllllll
où elle saute aux yeux
la maison
yyyyyyyyyyyyyyyyy
demeurera suspendue cependant

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#BOOST #04 | au rez-de-chaussée d’un immeuble à 600 m d’un centre commercial à 8 km du palais de justice au cœur de Bucarest

à Évreux à Rouen à Incarville à Bucarest à Marseille à Marbella à Paris à Marrakech à Nantes à Houetteville à Condé à Compiègne

des signes de vie très récents parvenus aux enquêteurs — des conversations interceptées dans son entourage au cours desquelles il est fait allusion au présent au fugitif de trente ans — s’apprêtant à pénétrer dans un barbershop pour se faire couper les cheveux —

fin de cavale à Bucarest —

sa traque s’est achevée au milieu de l’après-midi devant un barbershop au nom anglais — au rez-de-chaussée d’un immeuble de trois étages à 600 m d’un mégacentre commercial baptisé Promenada à 8 km du palais de justice au cœur de Bucarest — à côté des marches de l’escalier en carrelage qui mène au commerce un panneau Atentie pour dire attention au verglas — jeune trentenaire aux cheveux roux à la barbe bien taillée — servant aux projecteurs un sourire narquois à la fois arrogant et provocateur — entend selon son avocate roumaine prouver au plus vite son innocence —

je suis né le 10 mars 1994 à Rouen — spécialité le carottage ou vol de cargaisons de drogues à des rivaux — placé en garde à vue pour meurtre commandité depuis sa cellule d’un trafiquant normand — sa cellule avec téléphones et chicha à disposition — le corps carbonisé d’un homme retrouvé à l’arrière d’un véhicule à Marseille ou barbecue — faits pour lesquels il est incarcéré au moment de la sanglante évasion qui a coûté la vie à deux agents de l’administration pénitentiaire —

c’était le 14 mai 2024 au péage d’Incarville dans l’Eure — une prise d’assaut sur une autoroute au milieu de la circulation —

l’apparition de gangs de jeunes tueurs payés à la tâche — un commando surarmé n’hésitant pas à tuer de sang froid des agents de l’administration — le risque à court terme étant de voir l’état de droit se déliter — face à des trafiquants disposant d’une force de frappe considérable —

un commando déterminé à tuer — un commando lourdement armé tend à un péage sur l’A13 un guet-apens au convoi cellulaire ramenant en prison un narcotrafiquant — à la sortie de l’autoroute A13 en direction d’Évreux — une voiture Peugeot 5008 noire s’engage dans une boucle à droite qui sert de parking — un convoi pénitentiaire transportant un détenu passe à son tour le péage — il est percuté à l’avant par la Peugeot 5008 déboulant à contresens — une seconde voiture Audi S5 se positionne aussitôt à l’arrière du convoi — j’étais dans mon jardin au moment où cela s’est passé — un réserviste de la gendarmerie habitant à une centaine de mètres du péage a entendu une première série d’une trentaine de coups d’arme automatique — puis j’ai entendu une très grosse détonation qui ressemblait à celle d’une grenade — le commando libère le détenu menotté à l’arrière du fourgon —

revenant d’un interrogatoire devant un juge d’instruction au tribunal judiciaire de Rouen et s’apprêtant à regagner sa cellule du centre pénitentiaire d’Évreux — ne figurant pas dans le top 10 des cibles à haute valeur de l’Office antistupéfiants Ofast — son niveau de surveillance ayant été réévalué récemment à escorte 3 — l’homme d’alors 30 ans ne se contentant plus de diriger des points de deal à Évreux et à Rouen — soupçonné d’avoir commandité des projets de meurtre ou des enlèvements jusqu’à Marseille et à l’étranger — l’assassinat rocambolesque d’un Français à Marbella — l’attaque à Marbella visant à éliminer un Français originaire d’Évreux — une tentative d’assassinat liée aux stupéfiants — incarcéré successivement à la prison des Baumettes à Marseille — à la prison de Luynes à Aix-en-Provence — à la Santé à Paris — puis récemment à Évreux — lui vaut d’être mis en examen dans deux affaires criminelles instruites à Rouen et à Marseille —

les assaillants incendient le Peugeot 5008 avant de prendre la fuite à bord de deux véhicules — l’un des malfaiteurs prend soin au préalable d’achever un surveillant pénitentiaire agonisant — ils abandonnent leurs deux véhicules dont une BMW M5 faussement immatriculée achetée sur Leboncoin grâce à une escroquerie aux faux chèques dans la campagne normande à Houetteville avant de les incendier aux environs de 11h25 — à proximité d’une forêt — à Gauville-la-Campagne — le commando disparaît à bord d’un Audi Q5 —

une organisation rompue aux techniques d’anonymisation de téléphones — trempant à la fois dans le trafic international de stupéfiants et l’organisation de meurtres en France et à l’étranger — maîtrisant à la perfection les applications sécurisées et les moyens de détourner toute identification ou localisation — une flotte d’appareils occultes ayant servi à coordonner l’attaque au péage — iPhone 7 tirés d’un lot utilisé par des salariés de la la société Mitsubishi et destinés à la destruction — après l’arrestation à Bucarest dix personnes interpelées placées en garde à vue lors d’un vaste coup de filet — à Mijas près de Marbella — à Marrakech — soupçonnées d’avoir participé à la préparation et à l’exécution de l’évasion —

incarcéré à la maison d’arrêt de Rouen au moment de l’évasion — suspecté d’être le logisticien de la cavale rompu à la clandestinité — rattrapé lui aussi au terme d’une cavale — présumé innocent à ce stade — un intermédiaire étant chargé de créer à échéance régulière des groupes de discussion sécurisée sur Signal avec autosuppression des messages — condamné à sept ans de prison pour le braquage d’un camion de cigarettes à Évreux — placé à l’isolement à Nantes —

elles sont les deux prisons les plus sécurisées de France accueillant les détenus aux plus gros profils — à Condé-sur-Sarthe comme à Vendin-le-Vieil une aile entière dédiée aux narcos — seront prises en compte leurs capacités à corrompre — à tenir une communication avec l’extérieur — à tenir un point de deal — à toucher de l’argent de l’étranger — à menacer magistrats policiers journalistes avocats — prévenus également les risques de corruption des surveillants anonymisés empêchant toute pression s’exerçant à l’extérieur — au-delà adapter aux narcotrafiquants un régime carcéral spécifique — impossible aux détenus de se faire remettre des téléphones grâce aux parloirs — huit à dix millions d’euros débloqués pour parvenir à mettre rapidement en place ce régime sécuritaire — avec ses portes dites à effet de sas et ses murs d’enceinte de 8 à 12 m de haut — c’est à Condé-sur-Sarthe justement qu’Amra a été réincarcéré la semaine dernière —

ayant passé une partie de ses neuf mois de fuite à Compiègne dans un deux-pièces loué sur Airbnb —

25.03.10 lun, 22h00
dernière minute

l’étonnant profil de l’homme à la démarche particulière — est le seul à avoir été placé en garde à vue jusqu’à présent — interpellé à Mijas dans une villa aux allures de forteresse et remis aux autorités françaises — huit condamnations dont cinq sont liées à des délits routiers — les trois autres à des infractions pour usage de faux documents recel de biens violence conjugale — suspecté d’avoir directement participé à l’attaque du fourgon pénitentiaire — au-delà d’une ressemblance physique avec l’un des assaillants — associé à une première tentative d’évasion — au cours de la nuit précédant l’attaque effectue plusieurs transferts de voitures vers Saint-Pierre-lès-Elbeuf à mi-chemin entre Rouen et Évreux à 15 km d’Incarville — avant de se mettre au vert à Sèvres à Perpignan à Barcelone  —

Sources Le Parisien 15 mai 2024 – 9 mars 2025

s’entêter d’à
s’entêter d’à — s’entêter à — se bercer d’à
du latin ad dans la direction de — vers et du latin ab de — du côté de — loin de — depuis — par — contre —
à l’affût de la préposition

à la lecture de la presse
écrire en butée — en cul-de-sac — en tirets —
ne pas écrire — copier — écouter voir l’effet —
échantillonneur
échantillonnage y penser —
à l’horizon à travers champs à ras de terre y penser —
à la ronde à l’orée à ras de terre à bout de souffle —
y repasser y penser à la course à la vue des traces au sol des débris incendiés d’auto à travers le chemin —
par tous les chemins à l’auto incendiée à scanner balayer le sol à fleur à ras de terre —

à penser à courir à voler tout comme
tout au long du chemin à l’auto et volée et incendiée — s’y ou s’en entêter —

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#BOOST #03 | FAIS | TOI | PEUR

imagine que tu racontes à ton auto une histoire ; imagine que tu te racontes une histoire d’auto ; imagine une histoire que tu te racontes en auto ; imagine une histoire pour rejoindre une image ;

imagine ;

imagine une auto-stoppeuse ;
imagine le bout de ta rue ;
imagine une auto-stoppeuse au coin de ta rue ;

imagine une histoire pour rejoindre une image ;
imagine que tu racontes à ton auto une histoire ;

imagine :
qu’au moment de monter dans l’auto il y a quelqu’un ;
qu’en montant en auto ;
une auto hantée ;
imagine que ton auto est quelqu’un ;
imagine-toi ton auto hantée ;

imagine que tu te racontes une histoire d’auto ;
imagine une histoire qui fait peur ;

qu’une auto-stoppeuse te précède :
fantôme

imagine la mort en personne ;
imagine la mort en quelqu’un ;

imagine qu’elle te conduit ;
imagine la peur ;

visualise l’aube ;
imagine une auto-stoppeuse avant l’aube ;
imagine une auto-stoppeuse dans le blanc de l’auto ;
imagine que tu la renverses sur le bord de la route ;
suppose quelqu’un ;
supposons que tu renverses quelqu’un sur le bord de la route ;

imagine qu’elle te fait peur ;
rêve qu’elle t’a surpris ;
imagine un mouvement de peur ;
imagine que tu tues ;
imagine-toi tuer quelqu’un ;

imagine une histoire que tu te racontes en auto ;
imagine que tu te racontes en auto une histoire ;
imagine

que tu ne puisses dire ce qui est arrivé ; que tu ne comprennes pas comment cela s’est pu ; imagine que tu ne l’aies pas vu venir ; que tu ne sentes rien ; n’aies qu’entendu un bruit ; imagine :
tu as fauché quelqu’un ;
tu as semé la mort ;
tu l’as touchée ;

imagine :
la mort au coin de la rue

imagine quelqu’un à faire peur
imagine le corps de quelqu’un

imagine la peur qu’elle te fait ; son regard ;
imagine un regard

imagine que tu prends quelqu’un en stop et la peur grandir ;
et la peur conduire ;
imagine la peur de ta vie

j’imagine ta peur ;
j’imagine que tu quittes ta lecture parce que tu prends peur ;
imagine que tu quittes ta lecture par peur de ce qui t’y attend ;
imagine ne lire jamais ce que j’écris par peur de ce qui t’attend ;
imagine que tu ne me lis pas
de peur de l’inconnu que tu trouveras ;
peur de ce sur quoi tu tomberas ;
imagine avoir peur de ce que j’écris ;
imagine que tu as peur de moi ;
imagine que je t’écrive ;

que tu n’as pas eu le temps de la voir qu’elle est passée dans ton rétro ;
qu’il y a un regard dans le rétro sans personne derrière : personne autour de l’auto ;
que tu vois dans le rétro de l’auto de devant : 
raconte-le-toi :
qu’un rétro devance ton auto avec un regard dedans ;
qu’un rétro, qu’un regard flotte en avant de l’auto ;
tu lis la peur dans le regard ;

fais-toi peur
endosse la peur
imagine-toi nuit

imagine une intention ;
imagine que je suis une intention ;
imagine-moi texte ;
imagine que je suis là ;
que le texte te parle :

imagine que je te fais peur

que je ne suis pas une auto ;
imagine que je ne sois pas un robot ;
imagine que je sois une intelligence ;
imagine que j’aie une intelligence artificielle de la peur ;
imaginons : tu m’apprends la peur ;
postulons une compréhension de synthèse de ce que c’est :

la peur

supposons la peur acquise ;
une synthèse de la peur ;
un produit de synthèse de la peur ;
imagine une définition de la peur ;
sous-entends la question :
quel besoin de définition quand c’est chacun pour soi
quand chacun sait pour soi ce qu’est la peur ?
définis la peur ;
définis-moi la peur ;
définis-moi ;

BOOST ▲

… des partitions d’événements fluxus aux expériences de pensée et de l’égouttement (Y. Ono) et de la dissolution (P. Hutchinson) des nuages au diagramme de résolution des conflits (E. M. Goldratt)

imagine :
tu racontes une histoire qui fait peur au jour qui vient ;
imagine une histoire à faire peur au jour afin qu’il recule ;
imagine une histoire à raconter au jour pour qu’il ne vienne pas : plus : qu’il cesse ;
à dormir debout ;
pour que le jour recule ; s’enfonce ; dans le temps ; la nuit ;
imagine la peur du jour

imagine un nuage ;
imagine un nœud : un nuage ;
imagine un nuage qui ne passe pas ;
imagine un nuage de contradictions ;
imagine un nuage de mots pour une histoire ;
imagine un nuage pour histoire ;
imagine qu’un nuage te fait des histoires ;
qu’un nuage te cherche ;
soit un nuage qui ne te dépasse pas ;
qui te domine ; te survole ; qui ne te double pas ;
imagine ton nuage ;
imagine ton nuage comme un diagramme ;
vois un diagramme dans un nuage ;
soit un diagramme de résolution de conflit : le nuage s’évapore ;
imagine tout conflit comme un nuage ;
vois ta peur comme un conflit ;
pense qu’un nuage est une équation : résous l’équation ;
vois un corps dans un nuage : fais l’amour avec ce corps ;
fais de l’amour avec un nuage ;
fais avec un nuage ;
ne fais qu’un avec un nuage :
nous sommes l’eau un nuage et toi

imagine le jour ;
imagine le jour qu’il y a ;
imagine le jour qu’il fait ;
le jour qui vient ;
imagine le temps de demain ;
prévisualise le jour ;
projette-toi dans le jour ;
faufile-toi sous le jour ;
prends le temps ;
tu sors le jour de toi ;
ne panique pas ;
change de jour

raconte-lui une histoire :
le jour suivra

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#BOOST #02 | … parce que le monde est rond

J’ouvre la porte d’entrée et j’entre dans l’auto. J’ouvre la porte du garage et j’entre et je monte dans l’auto. J’ouvre la porte au fond du couloir et j’entre dans le garage. J’ouvre la porte de l’escalier et j’allume et je descends au sous-sol et j’ouvre la portière et je monte dans l’auto.

J’ouvre la porte d’entrée et j’entre dans l’auto. J’ouvre la porte du garage et j’entre et je monte dans l’auto. J’ouvre la porte au fond du couloir et j’entre dans le garage. J’ouvre la porte de l’escalier et j’allume et je descends au sous-sol et j’ouvre la portière et je monte dans l’auto. Je pose la main sur la poignée et le doigt sur l’interrupteur et le pied sur le ciment et je referme et j’avance et je contourne l’auto et j’ouvre. J’ouvre et j’entre. J’enjambe le seuil et je ne marche pas sur la barre de seuil et je ne pose pas le pied sur la barre et ne fais pas craquer le seuil et j’entre en silence. J’ouvre la porte d’entrée et l’air entre et je passe la portière dans l’auto. J’ouvre la portière et je tombe dans l’auto. Et me laisse tomber. J’ouvre et passe dans l’auto. Et le cliquetis de la clé dans la serrure et le claquement simultané des portières déverrouillées. Et le froid monte du sol carrelé. J’entre dans le garage j’en ouvre les portes et le jour se profile au sol dallé moucheté. J’ouvre et j’entre. J’entre et tombe. J’ouvre et vois avec moi le jour entrer. Et les grains de sable et les feuilles mortes courent sur le ciment granuleux anti-dérapant peint. J’ouvre la porte d’entrée et le séjour bascule et je me retrouve sur le carrelage. J’entends en descendant le sous-sol résonner à mon entrée réagir à ma descente. Je referme la porte et d’entrée je m’étale sur le carrelage. J’ouvre le hayon et j’enjambe. J’ouvre j’entre. J’entre tombe. J’entre j’enjambe. Et je me replie et referme. Et je claque derrière moi. J’entre j’enjambe l’entrée il y a un trou dans l’entrée.  Et je claque sur moi. J’entre et j’ai un trou. J’ai un trou j’y entre. Et se referme sur moi. Je pose la main sur la poignée j’appuie et ça s’arrête là et j’entre. J’entre dans le noir et avance. J’avance et le noir recule et. Bruit et vibre et palpite et pulse et respire et. J’entre et j’ai un mouvement de recul. Je pose la main sur la poignée et j’appuie et j’entre et ça s’arrête là. Monte et descend et. Je tire la porte vers moi je passe la porte et referme derrière et. Ça s’arrête là. Je suis entre l’auto et le mur je suis le mur le long de l’auto je suis entre porte et portière je suis. Et j’entre dans le silence. Et j’entre dans la résonance dans le noir. J’entre dans le silence et dans la résonance et dans l’insonorisation de l’habitacle et du coffre et de la caisse et du conteneur et je me retrouve. J’ouvre et me retrouve. Et m’assieds dans l’insonorisation dans la clôture dans le moelleux l’assise dans la profondeur de l’habitacle. Et tombe en position assise dans l’habitacle la condamnation. J’ouvre les portes et je monte et je recule. Je recule en montée dans la descente de sous-sol. Je remonte en reculant la descente du sous-sol et je stoppe et j’attends. Je boucle la ceinture et l’auto vibre et fume et j’attends. Et dans les vibrations et la fumée et le pied sur le frein j’attends. J’ouvre et je mets un pied et les fesses et l’autre et je ferme. Je monte. J’ouvre la portière et je m’installe et claque la portière et mets le contact et démarre à 20 km/h les portes claquent. Je double je me rabats. Passé le seuil des 20 km/h j’entends claquer autour de moi. J’entends dans l’accélération le changement de vitesse passé un seuil de vitesse les portes se condamner. Je double me rabat. Je pose la main sur la poignée piquée et dans l’interrupteur crevé le doigt sur le bouton poussoir et le paillasson glisse et crisse et je remets du pied le paillasson en place et je contourne l’auto et des yeux passe sur cales en bois et taches d’huile et sur les pneus à clous le jerrycan et l’entonnoir la bassine et le balai de paille de riz à l’air penché tout usé du même côté et. Et je monte à l’arrière de l’auto et. Et je replie les deux côtés de la porte pliante du garage et. Et je fais coulisser la porte coulissante et. Puis je passe devant et je m’assieds côté passager et. Puis j’ouvre côté conducteur et clé en main je prends le volant et. Puis j’ouvre la portière arrière et dépose l’enfant dans le siège auto et. Et le bruit significatif de l’obturateur photographique et. Le bruit ancien de l’obturateur photographique et le recul qui vient avec. Et à l’arrière côté passager je boucle la ceinture de l’enfant et un bisou et. Puis de même côté conducteur et. Et je m’assieds côté passager et je passe la clé et puis la carte et. Je regarde dans le rétro et. J’ouvre le coffre et je monte. Et je déverrouille le couvercle de la poubelle en la renversant et j’entre.

ou

#BOOST #02 | Je double je me rabats

Je me souviens :
– d’abord, pour l’absence de virgule et chaque phrase ressentie comme une reprise depuis le début et toute d’une exsufflation, des boucles de Christophe Fiat, et comment il les ponctuait des distorsions électriques de sa guitare : « parce que le monde est rond » (
Le monde rond de Traci Lords) ;
– ensuite enchaînés de ses 15
Fragments de la dernière journée de Lady Diana Spencer (publiés dans le même volume Ladies in the dark, Al Dante, 2001) ;
– puis, via les prescriptions, ou intimations de la sécurité routière, et pour sa conjugaison au quotidien de la première personne, jusqu’à en devenir une troisième singulièrement indéfinie, de Nicolas Pages :
Je mange un œuf (ECAL, 1997, Balland, 1999) ;
– enfin et de nouveau pour l’absence de virgule et comment elle est balancée par les concaténations que permet la conjonction et, de Cormac McCarthy : Non, ce pays n’est pas pour le vieil homme (2005, L’Olivier, 2006).

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#BOOST #01 | Couler debout

Je crains un jour la coulée de boue. Je crains la falaise de terre… Je marche sous la falaise… Je quitte la route… Rêve que je m’enfonce… Les cavées sont des chemins dans des bois creusés en pente par le passage

Je crains un jour la coulée de boue. Je crains la falaise de terre. Un effondrement. Un emportement. Un recouvrement. Tout un pan de la terre qui tombe, qui descend, qui s’effondre, qui nous tombe dessus, nous noie, qui emporte la route et la maison. La terre entrée dans les poumons. La boue obstruant nos voies respiratoires. Nous coupant les routes. Nous barrant tout accès à rien. Cela se passerait pendant notre sommeil… Un immense mouvement du terrain sous nous, puis sens dessus dessous, très vite. Cela arrivera presque instantanément. Déjà sans nous. Un immense décrochement de tout ce qui nous constitue. L’ensevelissement instantané. Je rêve que je m’enfonce, cela me réveille…

Le jour se lève sur la désolation, rien…

Je marche sous la falaise de terre… J’avance. Je monte. Je quitte la route, je prends un sentier de chèvre. Je le reconnais à sa ligne de terre. Ou de vie, je ne la quitte plus. Un pas de côté, un faux pas et c’est la chute. Je suis déséquilibré. J’enchaîne les pas. Je longe le bord du vide tapis de lierres. J’atteins le haut de la falaise. Boisé. Couvert de la végétation. Invisible. Se devine en hiver, l’hiver seulement… En hiver la terre se dénude. La terre se montre. La menace de la terre croulante. De la terre qu’un réseau racinaire retient. Au bout des terres agricoles, du désert des champs… La terre au bord de laquelle des faîtes s’effondrent, des troncs chacun de son long écroulés dans la pente. Arbres hérissant la terre. Centenaires. Puis la nourrissant. L’aplomb de la terre. Ou son ébranlement.

… La boue coulant nos membres. La boue roulant. La boue nous moulant de partout. De toutes parts, nous emportant avec elle, nous portant en elle. Nous immobilisant. Nous renfermant. Nous séparant.

Je rêve que je m’enfonce… Je glisse. Je plonge soudain en terre. Dans l’eau. La neige. Je m’enfonce à reculons en suivant en descente les lacets de la route au long du coteau. Je disparais. Je suis avalé, il y a une bouche de glace. De sable, je suis englouti. Je me réveille. Je me réveille et j’en suis sorti. J’en sors juste. J’y suis encore, en partie, en peur. J’en sors tout juste pour m’en être tiré en m’éveillant. Extrait. Je me suis retenu de rêver plus profondément, m’enfoncer. M’abimer en terre. Je n’ai pas touché le fond, je me suis accroché au bord. Je me suis accroché à moi-même comme à un garde-corps. Moi-même comme étant le nom d’un sursaut d’énergie…

Des cavées en pentes raides orientées nord dans des sous-bois de hêtres. Des bois qui ont poussé dessus, depuis, qui de toute leur hauteur tombent, vieillissent, dépérissent et tombent. Tombent et y pourrissent.

Une vallée est un couloir. Notre vallée est un couloir pour les boues. Les cavées sont des chemins creux dans des bois en pente, creusés par le passage, par l’activité humaine, sur les sites d’extraction des moellons de pierre calcaire, pour le transport de la pierre taillée sous la terre pour bâtir des cathédrales, des façades sur des boulevards. Notre vallée une coulée. Une seule coulée. La confluence des coulées, leur débouché.

Je lis que l’agriculture intensive abime la terre.

La terre plombante… La terre ne demande qu’à tomber. Ou bien la terre se tient. La terre sait se tenir. La terre solidaire d’elle-même. Se tenant à elle-même. La terre retournant à la terre…

Une vallée est un couloir… Notre vallée est un couloir pour les boues. Les cavées sont des chemins creux dans des bois en pente, creusés par le passage, par l’activité humaine, sur les sites d’extraction des moellons de pierre calcaire, pour le transport de la pierre taillée sous la couche de la terre pour bâtir des cathédrales, ériger des façades sur des boulevards. Notre vallée une coulée. Des cavées en pentes raides orientées nord dans des sous-bois de hêtres. Notre vallée une coulée. Au fond des peupliers. Embâcles dans les boues.

La boue sans nous. Étale surface sans âme qui vive. Humus humain. La Terre est un cercle. Le cycle sans âme de la vie.

Une vallée est un couloir… Notre vallée est un couloir pour les boues. Les cavées sont des chemins dans des bois creusés en pente par le passage, l’activité humaine, sur les sites d’extraction des moellons calcaire pour le transfert des pierres taillées dessous la terre pour des cathédrales, des façades sur des boulevards, des cavées en pentes raides orientées nord dans des sous-bois de hêtres. Notre vallée une coulée. Notre vallée est un boulevard pour les boues, les bois qui ont poussé dessus, depuis, qui de toutes les hauteurs tombent. Vieillissent. Dépérissent. Tombent. Embâcles dans les boues, notre vallée d’une coulée, débâcle des sols d’un seul coup, la confluence des coulées. Notre vallée ouvre un boulevard aux boues, leur débouché.

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#BOOST #00 | 49°21’39″N 2°39’11″E (59m)

Lieu-dit Les Fonds

25.02.02 dim, 8h30

Le soleil sort de derrière, la terre, sa plaine entière est blanche. Gelée. Champs. Toute pousse de vert est un flocon de glace. L’uniforme de la gelée couvre l’ensemble des terres. Aux bords de ce qui fût chaussée, les longues tiges sans sève encore debout se sont couvertes de barbes, d’une nuit ou d’une aube, paillettes attrapant les rayons. Sans discontinuer l’autoroute s’entend. Par ailleurs une auto isolée. Également. Différemment. Un corbeau. Un rang de quelques éoliennes creuse à tours de pales l’horizon. Miniatures, translucides. L’atmosphère est profonde, horizontale, tapie à terre en brumes, le soleil n’y change rien encore. Ce qui fût une chaussée se laisse ici, là deviner, dans l’empreinte crantée quelque vingtaine de mètres de roues d’engin. La terre dessus est une croûte, terrassement implacable. Une crête de gravillons en tient le milieu tandis que des flaques la jalonnent et crèvent, feuilletage des fontes regelées en plissements et nimbes. Deux coups de fusil. Trois avions — soit le triangle de leurs condensations. Quatre alouettes des champs, chants d’alarme. En même temps. La terre toute autour labourée ou hersée, celle qui demeure nue, reste noire. Brownie de chez Picard. Le grondement un temps plus sourd sans cesser d’être horizontal, égal sauf qu’un brin plus grave — comme le creusant non seulement, l’horizon, mais sa matière la lui créant, aérienne, en la creusant —, du TGV, LGV Nord. Ligne à grande vitesse comme l’autoroute invisible derrière le front ondulant du terrain, surélevé à contre-jour d’un merlon, d’un boqueteau, à l’horizon qu’occupent encore, un peu soustraits, les cheminées et silos de la sucrerie — parce que c’est une sucrerie. Parce qu’il y a ce qui se voit. Il y a ce qui s’entend. Et ce qui se devine. Ce qui malgré le froid se sent. Lisier de poule. Mélasse des betteraves. Mais que tout cela est loin. Tout est étal et loin. Une autre auto souligne l’horizon, l’autre — car ce n’est pas parce qu’il fait le tour qu’il est le même. Une auto, une autre, dans un sens et un autre et en toute inconscience entre les deux mêmes points de l’espace tracent et repassent une ligne : sillages, horizon intermittent et pourtant insistant. Il en est de diverses espèces : tangentes, caresses… Ce segment-là, sonore, est souligné, presque précis, voie secondaire cependant. C’est le long de la nationale là-bas qu’entre les troncs des érables la bordant les vitres latérales rendent, sans un bruit, elles, au soleil son éclat : éclaboussures. Un seau percé en mangeoire suspendu à un fer à béton. L’ombre se fait plus rare, et longue. Ombres tendues comme des élastiques des cailloux de ballast échappés au remblai. Coup de fusil. Un chien aboie. Toits de maisons parmi les cimiers gris couvrant les buttes. Aux pieds, cages de buts. Au milieu, les fonds. Champs : de vision. Quelque part un peu nulle dans un triangle de trois bourgs, trois clochers guère moins ramassés que les toits, dans leurs confins ou limites communales — à l’écart —, le réseau des chemins d’exploitation forme une fourche à l’endroit, ou c’est le moment où le site de la sucrerie s’offre dans son étendue et la diversité de son bâti, en majesté soleil rayonnant au-dessus. Un carter de phare, un demi-parpaing, une porte de placard. Plage arrière sur pliant sur souche, sur porte vitrée couchée sur l’herbe, 59 m — dépôts sauvages —, c’est là.

Sinon ? Moins décrire qu’écrire. Écrire toujours plutôt que décrire. Sinon ? Au bout du monde n’en parviennent que des bruits. Un bout du monde est où rien jamais n’arrive. Échoue seulement. N’arrive qu’en ondes. Un bord du monde.

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J’essaie un truc…

« Le soleil sort de derrière… la terre… sa plaine entière est blanche. Gelée. Champs… Toute pousse de vert est un flocon de glace… L’uniforme de la gelée couvre l’ensemble des terres… Aux bords de ce qui fût chaussée, les longues tiges sans sève encore debout se sont couvertes de barbes… d’une nuit ou d’une aube… paillettes… attrapent les rayons… Sans discontinuer l’autoroute s’entend… Par ailleurs une auto… isolée… Également. Différemment. Un corbeau… Un rang de quelques éoliennes creuse à tours de pales l’horizon. Miniatures… translucides… L’atmosphère est profonde, horizontale, tapie à terre en brumes, le soleil n’y change rien encore… Ce qui fût une chaussée se laisse ici… là… deviner, dans l’empreinte crantée quelque vingtaine de mètres de roues d’engin. La terre dessus est une croûte, terrassement implacable. Une crête de gravillons en tient le milieu tandis que des flaques la jalonnent et crèvent… feuilletage des fontes regelées en plissements… nimbes… Deux coups de fusil… Trois avions… soit le triangle de leurs condensations… Quatre alouettes des champs… chants d’alarme… En même temps… La terre toute autour labourée ou hersée… celle qui demeure nue… reste noire. Brownie de chez Picard… Le grondement un temps plus sourd sans cesser d’être horizontal, égal sauf qu’un brin plus grave… comme le creusant non seulement, l’horizon, mais sa matière la lui créant… aérienne… en la creusant…du TGV… LGV Nord. Ligne à grande vitesse comme l’autoroute invisible derrière le front ondulant du terrain surélevé à contre-jour d’un merlon… d’un boqueteau à l’horizon qu’occupent encore, un peu soustraits, les cheminées et silos de la sucrerie… parce que c’est une sucrerie… Parce qu’il y a ce qui se voit. Il y a ce qui s’entend… Et ce qui se devine… Ce qui malgré le froid se sent… Lisier de poule… Mélasse des betteraves… Mais que tout cela est loin… Tout est étal et loin… Une autre auto souligne l’horizon, l’autre… car ce n’est pas parce que c’est tout autour que c’est le même… Une auto… une autre… dans un sens et un autre… et en toute inconscience… entre les deux mêmes points de l’espace tracent et repassent une ligne : sillages… horizon intermittent et pourtant insistant. Il en est de diverses espèces : tangentes… caresses… Ce segment-là, sonore, est souligné, presque précis, voie secondaire cependant… C’est le long de la nationale là-bas… qu’entre les troncs des érables la bordant les vitres latérales rendent… sans un bruit, elles… au soleil son éclat… éclaboussures… Un seau percé en mangeoire suspendu à un fer à béton… L’ombre se fait plus rare, et longue. Ombres, tendues comme des élastiques, des cailloux de ballast échappés au remblai. Coup de fusil… Un chien aboie. Toits de maisons parmi les cimiers gris couvrant les buttes. Aux pieds, cages de buts. Au milieu, les fonds.…Champs : de vision… Quelque part… un peu nulle… dans un triangle de trois bourgs, trois clochers guère moins ramassés que les toits, dans leurs confins ou limites communales… à l’écart… le réseau des chemins d’exploitation forme une fourche à l’endroit… ou c’est le moment… où le site de la sucrerie s’offre dans son étendue et la diversité de son bâti : en majesté… soleil rayonnant au-dessus… Un carter de phare, un demi-parpaing, une porte de placard… Plage arrière sur pliant sur souche, sur porte vitrée couchée sur l’herbe, 59 m… dépôts sauvages… c’est là… »

… migration d’un texte dans l’espace… Je ne sais pas de quel espace il s’agit : visuel et sonore — audiovisuel ? géographique ? littéraire — narratif, ou fictionnel — ou simplement, strictement textuel ?

… points de suspension donc… ou comme si un souffle était là, de la vapeur d’eau sortant d’une bouche, d’une bouche qui dit — est-ce qu’elle se voit ? dans le texte ? ou là : au milieu des champs dans le matin ? Nuance donc — car si le diable gît dans le détail, un ange peut-être, loge-t-il dans la nuance ?

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Hors champ

25.02.04 mar, 8h30

Il y a un hors-champ à cet enregistrement… Je ne reviens pas sur les horizons sonores qui s’y sont inscrits, qui en sont les horizons infrastructurants — l’A1, la LGV Nord : aiguilles de boussole — et qui sont en effet hors champ : ils sont l’au-delà des champs : de vision — mais également le tout prochain, ce qui s’invite. Un peu comme si, des terres agricoles environnantes, ils étaient le devenir… ou le débouché. Et encore le poids d’une menace… Il y a un hors-champ à cet enregistrement, c’est l’auto. Rien dans le texte ne transparaît de l’auto : de l’auto particulière qui a conduit, déposé le piéton, le poète que je suis là. L’auto n’est qu’un effet de ma volonté : elle me conduit où je veux. Sauf que je me demande… Je ne dis rien de l’auto… De ma bouche rien n’en sort, je veux dire : de ma bouche rien ne sort de l’auto. L’auto est un non-dit. Elle est pourtant derrière moi… À sa façon elle me suit. Préoccupation automobile. Dans la persistance sonore de ses semblables sur cette portion de départementale plus passante que je n’aurais cru — je me rappelle — elle me suit — poursuit.

Je me repasse la bande… Cette portion empruntée de chemin d’exploitation n’est rien d’autre que la laisse qui me reliait à l’auto. Ce tracé unique, aller-retour, à travers le non seulement désert mais no man’s land, glacis ce jour, des champs était, est mon unique voie. Est tout mon éloignement, mon détachement. Constitue mon seul atterrissage, ma liberté — qui n’est qu’une marge de manœuvre. Laisse de la lumière du jour ou des jours également. Quand je dis laisse, on peut entendre la lanière dont on se sert pour mener un chien non seulement, mais encore l’espace que la mer laisse à découvert à chaque marée, mais le mélange de vase, de sable, des débris de plantes marines et artefacts humains que chaque vague dépose en sillons sur une plage. C’est ainsi que je suis lié, relié aux jours. Ils ne me lâcheront pas. Mes jours ne me lâcheront pas comme ça. Je ne suis pas, moi, un dépôt sauvage, y compris de poésie. J’ai un corps, j’ai des courses… Je ne me débarrasse pas de moi comme ça.

Vite, je ne m’y attendais pas, j’ai perdu l’auto de vue… Je savais seulement que je l’avais dans mon dos — comme je continuais d’y entendre la fréquentation de la route, ce rappel comme d’un froid, d’un poids, de ceux qui vous font rentrer la tête dans les épaules, ce qui veut dire : faites svp comme si je n’étais pas là, merci de votre probable non-compréhension. Combien de fois ainsi me suis-je dit : ils, ce conducteur, cette femme ou cet homme au volant derrière moi doit se dire que je suis un propriétaire de chien, qui le sort, le fait courir — on est dimanche matin : si je ne le vois pas, ce chien, c’est que les herbes des accotements ou les dépressions des fonds me le masquent. Et la question revenant sans cesse : est-elle encore là ? là où je l’ai laissée, stationnée ? Est-ce que personne ne s’en approche ? ne s’y attarde ? s’y intéresse ? ne s’interroge ? Le spectre des questions, méchant attrape-rêves… Si je me retournais, d’abord elle n’était plus qu’un liseré résiduel, blanche, une écume… Et bientôt plus rien… Elle s’était enfoncée dans la distance, dans les fonds — ce qui la rendait d’autant plus présente, ou plutôt, cela rendait la question de sa présence d’autant plus lancinante. L’automobile ? Ce n’est pas seulement de conduite, c’est de poursuite qu’il s’agit… D’une certaine manière je suis, je ne cesse d’être automobile.

Je le savais d’avance, je n’irais pas plus loin que ce dépôt sauvage… Puis je reviendrais. J’en reviendrais. Je reviendrai chaque fois au stationnement de l’auto — ici l’embranchement perpendiculaire, absolument ras du chemin et de la route. Je suis programmé… Je reprendrais le chemin dans l’autre sens, je retournerais sur mes pas. Boomerang. J’ai cette incurvation, je suis configuré… Je ne dépasserai pas un certain rayon autour de l’automobile. Je m’y replierai, chaque fois. M’y rassiérai. Je serai toujours contenu dans une certaine distance. C’est une laisse enroulable entre elle et moi, rétractable… Sitôt atteint un comble, un dépôt sauvage par exemple, de poésie donc, une limite en somme et qui en constitue la garde, qui est le bout de sa course, de la mienne elle me rappelle à l’ordre, elle m’appelle au retour. Je réponds à l’appel. Je me dis que cela suffit, que ça ira pour ce jour — en termes d’inscription dans l’espace ; de respiration poétique… J’en ai pour ma journée… Je peux, je vais rentrer… Je suis l’enfant du pavillon et de l’auto… — Je suis en laisse… Je suis en laisse automobile. Mon auto me tient en laisse. La maison est la niche, l’auto la laisse. Je suis en laisse mentale, tenu.  

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18 commentaires à propos de “#BOOST #08 | Appelants”

  1. (#BOOST #00)

    J’ai adoré ton premier texte Christophe, non que le reste ne me plaise pas mais ce premier texte est puissant avec ses phrases précises, claires, limpides et ces points à la fin de chaque phrase. J’ai eu plus de mal avec les points de suspension comme si cela m’enlevait la force du premier. Bien entendu, cela n’est que personnel. En tout cas, je suis complètement entré dans ton bout du monde et beaucoup d’images m’ont semblé familières. Bravo et j’aime beaucoup la fin – c’est là ! Une évidence, merci.

  2. (#BOOST #02)

    J’adore le rythme de ces phrase courtes qui se posent puis des plus longues qui s’épuisent et qui finissent hors d’haleine avec ces « et » en points de suspension. J’ouvre et je souffle. Merci Christophe.

  3. (#BOOST #02)

    Les verbes comme moteur de votre texte ! Ils nous propulsent ici ou là. Et si je peux me permettre, j’ai envie de dire que j’ai adoré me perdre dans votre texte comme dans un labyrinthe… Labyrinthe, c’est vraiment ce mot qui m’est venu en tête à la première lecture. Et c’est une réussite !
    Merci.

    • labyrinthe oui, Annick, c’est que ne sont convoquées ici que 4 ou 5 portes mais qu’elles font sans cesse retour, de phrase en phrase se poussent, volent la vedette, et dans leurs redondances s’échangent autant qu’elles s’intercalent — certaines reviennent à différentes époques qui plus est : labyrinthe temporel autant que spatial, merci de votre lecture !

  4. (#BOOST #03)

    #boo fais toi peur

    j’imagine je vois
    toutes les inversions
    (induites par la grammaire
    je tu / tu je / elle je…)
    et leur mise en page
    les agencements
    sur la route
    dans la page
    les dépassements les encadrements
    ce qui voit ce qui est vu ce qui n’est pas vu
    le pinceau de la route sur la nuit
    la vision cinématographique
    la clarté
    le dess(e)in

    les jeux d’écriture

    le texte supporte que tu joues à faire peur

    dans auto il y a auto

    l’expo à vitry, sur le fait divers. avec des splendeurs de Jacques Monory, comme ce tableau, https://www.macval.fr/Jacques-Monory-7926
    sinon, monory et son cinéma, par andré s labarthe https://dai.ly/x10a8vq

    • je prends le temps de revenir sur quelques uns de tes commentaires éclairs et qui comme des flèches décochées ont justement ciblé ce qui se joue dans ma petite « mise en scène » :

      « joues à faire peur » —
      la peur dans ce texte se fait jour en effet comme un jeu relationnel, et fictionnel (avec cette hypothèse de la fiction comme mode relationnel) — ainsi divers jeux s’introduisent dans la machine texte : jeu des personnes grammaticales ; jeu dans les temps de conjugaison (impératif/indicatif) ; jeu/combinatoire dans/entre les reformulations ; jeu des sauts de lignes et du blanc, (dés)équilibre des nuages ou masses et de leurs alignements à gauche, à droite — comme si le texte devenait un flipper, voire l’ébauche d’un espace théâtral, en tout cas stéréo,

      donc « les inversions », donc « les agencements »,

      donc « le dess(e)in » —
      oui, sachant que le dessin précède toujours le dessein : c’est le dessin qui devient dessein, l’invente, l’intensité produisant provoquant l’intention (et aussi, ce que je souhaite ou dont je rêve, l’entité : le texte comme entité prenant son autonomie — créature…),

      « dans auto il y a auto » —
      j’en arrive donc là : le texte lui-même peut-il être envisagé comme narrateur ? voire comme personnage principal ? un automatisme déclencheur, agissant ?

      « le pinceau de la route sur la nuit » ?
      tu/je gagne/s une image : Eyeliner, Élisabeth Ballet

      … enfin, c’est, je trouve, dans nos instants d’échange sur la plateforme Tiers Livre que se révèle le fruit que l’auteur·e d’un texte peut tirer d’un commentaire : celui-ci permet aux phénomènes agissant dans le dit texte d’accéder à la formulation (et peut-être à la conscience), merci Véronique

      • hello christophe, heureuse que ce que j’ai pu dire te parle…
        dans l’extrait du livre de Gabriel Dufay , dont parlait FB ce matin, Paul Valet, Etre fou plutôt qu’à genoux, on peut lire :
        Rien de plus étranger pour lui que la chronologie. Le poème est vertical, circulaire, en aucune façon linéaire. Il s’oppose au temps en ce qu’il est une irruption, et surgit comme une météorite pour dire l’essence de l’homme. L’œuvre parle de soi et pour soi.
        https://www.calameo.com/read/0052959622c584de61ed2?page=1

        eyeliner

  5. (#BOOST #07)

    Très étrange, cette suite de texte, comme un reboot un peu déstructuré des perceptions sensorielles. J’en garde une sensation de fraîcheur (me demande pas de t’expliquer, c’est une sensation). Merci.

    • merci Jean-Luc de ne pas m’expliquer — je m’en vois donc exempt moi-même…
      … et puisque tu ne me le demandes pas, mais que ton « reboot déstructuré des perceptions » m’a donné fort à penser, voilà — sur le mode « Imagine » (merci Yoko) :

      – pour 1 et 2, imagine que ce qui (le peu qui) est énoncé ouvre la porte à tout ce qui ne l’est pas : le laconisme et le fragmentaire, ou lapidaire, des énoncés, leurs positions intercalaires ouvrent l’indicatif, le descriptif à l’inquiétude : la phrase ne dit pas tout, que cache-t-elle alors ? pourquoi ce vis-à-vis (ce montage) ? la ponctuation quelle qu’elle soit est d’interrogation : pourquoi ne retenir pour chaque fleur que telle ou telle caractéristique ? signe de quoi ? les informations partielles infusent un effet d’étrangeté ; un « on ne sait quoi » ; qu’est-ce qui se passe, passe, va éclater entre le corps tendu et la terre en fleurs ?

      – dans le 4, imagine (moins tordu) n’avoir que ses deux mains libres ou en l’air pour écrire : aides mnémotechniques (j’appelle aussi ça « nuanciers » et le pratique en courant) ; imagine, en prémisse, avoir besoin de mettre des mots sur ses sensations pour les ressentir : les définir ;

      – dans le 5, imagine que la photographie d’un dépôt sauvage de déchets les transforme en ex-votos ; parce que le rayonnement solaire leur tombe dessus (et les fait sauter aux yeux), imagine qu’ils sont venus avec, tombés du ciel ; imagine « l’étrange » poète trouvant dans ce largage de rebuts (rébus ?) un modèle de composition, un poème concret ; écrivant ses poèmes avec des déchets ; rendant grâce au ciel (??) de ce que ce n’est pas le contenu de sa propre maison (et elle avec) qui est crashé là sous son objectif et sa « plume » ;

      constructions/échafaudages donc, ou comment le descriptif (le langage) dérape et fait ressentir son effet sur ce qu’il décrit — et son influx sur qui décrit

      … évidemment ces analyses n’attendent que d’être réfutées

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