Terre

Lecture par Nicolas Larue ! Mille mercis reconnaissants !

ST1

… au commencement la terre. La terre nommée toute. Toute nommée au début du tout début. La terre dépêtrée du néant. La terre déclinée avec tous ses éléments : son air ses montagnes ses forêts de bêtes ses océans. Son jour de verre. Sa nuit de paupière. La terre d’avant le premier mort la terre d’avant le premier vivant la terre facile de l’avant de tous les avants. La terre comblée sous les tétons du firmaman. Ici la terre enfouie. Grise. La terre béton. La terre poussière la terre débris la terre criblée. La terre ciblée. Les os blêmes de la terre. Ensevelie pierre après pierre. La terre est gravats ici. Ici la terre est immondices. Ici la terre est rats au ras du sol. La terre éventrée est cratères. La terre squelettes rouillés gisants au bord des ornières. La terre est cendre la terre est fumée la terre en éclats. La terre est cris la terre est gémissements. La terre en poignée fourrée à la hâte dans la poche. La terre est sourde la terre est aveugle à la terre. La terre est nuit dans la poche. La terre est murmures lointains dans la poche. La terre est soleil dans la poche la terre est rires perdus dans la poche la terre est maison broyée. La terre est saignées de files hébétées entre les tas de pierre. La terre est tranchées la terre est bossue la terre est blanche sous les gravillons des allongés. La terre est ombre. La terre est fureur. La terre est chaos comme dans l’avant de tous les avants. La terre sent la poudre. La terre sent le feu la terre phosphore les chairs. La terre geint la terre fuit la terre avale la terre. La terre est colonnes de fourmis la terre est peaux calcinées la terre est visages souillés. La terre sang recrache la terre.  La terre est silhouettes affamées. La terre est glacée. La terre est bordée d’eau. La terre est sable la terre est rochers la terre est assoiffée la terre est desséchée. La terre étendue épuisée sous le ciel. La terre est terreur. La terre démontée la terre crevée. C’est la fin de la terre …

ST2

Avance. Sillonne la croûte fumante. Rejoins la grande cohorte. Arpente. Marche ta marche à ouvrir les trous dans l’homme et dans la femme et dans l’enfant. Trous dans le dos trous dans la poitrine trous dans l’œil trous sous les pieds. Trous béants dans les entours et le dedans. Le trou dans le dos te dévore la poitrine le trou dans l’œil te dévore le visage le trou t’avale le trou t’emporte le trou te creuse le trou te dérobe à toi le trou grandit à chaque pas. Chaque pas efface et extirpe. Chaque pas videur de toi. Tu entends regardez les défiler ceux-là les sans – terre tu entends. Tu te vois marcher ta marche d’absent parmi les sans visages tu vous vois. Tu te sens cloué d’oubli. Tu avances encore. À chaque pas tu te renonces et tu maudis.

ST3

Elle m’a dit :  j’étais étrangère et cette terre m’a soudain reconnue. Elle m’attendait depuis toujours comme on espère un vieil ami au coin d’un feu ou sous un porche devant la pluie. Elle avait la couleur qui me console et me réjouit, elle avait l’odeur de mes lits d’enfance elle avait l’aboiement du chien après le carillon du clocher. Même ailleurs elle m’avait toujours connue. Elle me rassurait de son évidence comme ces rares voix qui éclairent dans la nuit. J’étais enfin pleine j’étais enfin réunie.

ST4

Terre terre. La vigie t’appelle sous l’ombre retrouvée des ailes.

Terrasser. Soutenir par une masse de terre.

Terrasser. Abattre physiquement, ôter toute force, toute résistance physique et, parfois, par conséquence, priver de sensation, de sentiment.

Atterré : qui est à terre. Abattu.

13 commentaires à propos de “ Terre”

    • tiens oui, bel hasard, car j’ignorais.

      ÉTYMOLOGIE
      Lat. formidabilis, venu lui-même de formidare, redouter, de formido, crainte, que Curtius ramène à formus, chaud : ce serait la sueur de la peur. Ce mot paraît s’être introduit dans le français au commencement du XVIIe siècle.

      (ou je n’ignorais pas et que la langue se souvienne, se soit souvenue, cette terre)

      • Origine : il existe une localité de ce nom dans le département de la corrèze; elle précise l’origine familiale l’étymologie de ce nom provient de l’agglutination du prélatin turra et du suffixe enna qui signifie : la hauteur

        Turro, turras « motte de terre ». Dans quelques endroits c’est aussi la « souche d’un arbrisseau ». Alibert distingue la turra « motte » et turras « grande motte

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