Paris – Nantes
On achève bien les chevaux, lorsque le train s’achemine de Paris vers Nantes, vient un moment où il longe la Loire, cette partie-là entre Angers et Nantes, les quais petits, les lacets du fleuve et les bancs de sable, les ponts aussi, ceux que l’on devine et ceux que l’on voit, Varades, Ancenis, Thouaré, les ponts et leur cage grillagée qui enjambent le fleuve, les champs descendent en pente douce de la voie ferrée jusqu’aux rives, la falaise abrupte, tandis qu’au-dessus se dressent invisibles, les entrelacs arborés des Folies Siffait, parfois sur les bancs de sables, sur les îles, la silhouette sombre de chevaux, apparitions bizarres que l’on dirait venues d’une autre ère, plus primitive, le trajet du soir et le trajet du matin se ressemblent, au printemps et à l’automne, des rubans orangés enflamment les bords du fleuve, et aussi des teintes de vert, étonnantes ces tapisseries du château d’Angers, j’aurais aimé les revoir, celles d’Aubusson aussi, j’ai toujours aimé les tapisseries, l’ai-je déjà dit ? ces lacets me fascinent, toutefois l’on dit que l’eau vient à manquer, je crois qu’autrefois, certains propriétaires comblaient à dessin certaines portions du fleuve pour élargir leur propriété, les quais sont déserts à cette heure, il y a toujours de la place, le fleuve, le champ, les usines, et les vestiges de quelque château, voilà que s’en vient la tour d’Oudon.
Ligne 2
J’aime qu’elle soie bleue la ligne 2, ligne de nuit, parfois sous terre, parfois à ciel ouvert, partie de Nation, longe le Père Lachaise, Ménilmontant, Belleville, toujours sous terre, le diner attend, pommes de terre, carotte, navets rôtis au miel, la lueur tendre de l’albâtre dans le salon, le silence ouaté de l’appartement, les craquements du parquet, la rame grimpe, sort et parade aux abords de la Chapelle, les balcons décatis des Bouffes du Nord et le petit café étroit, c’est une ligne de nuit, la sensation du chaud dans la rame bondée et l’air frais à chaque station, Anvers aux couleurs vives des boubous en wax, soieries, cotons imprimés, lins divers, les étages empilés chez Reine et au marché Saint-Pierre, un homme sort un dispositif d’enregistrement et capte les bruits de la rame, le balancement mou des passagers, et les promiscuités parfois sans hargne.