Palomar va au cinéma.
Il n’a pas choisi encore son film. Un peu introverti, il n’a pas tellement de contacts avec les autres, et ne sait pas choisir. Tout en marchant il lit son petit papier, il a noté les films de la semaine. Il est en retard, le voilà qui accélère. Et comme toujours il demandera son avis à la femme de l’accueil, ils commencent à se connaître tous les deux. Il veut tout regarder, tout voir tout comprendre, et se mélange les pinceaux en achetant son billet, il préférait Gioia Tauro, la séance est commencée, alors ce sera Saint-Omer. Il est enfin installé. Ce bonheur d’être tout seul, impatient de tout ce qu’il va découvrir. Il va mémoriser le moindre détail du film. Deux heures d’attention extrême, de tension dans la peur d’oublier une scène troublante. La séance vient de se terminer, il reste longtemps assis à sa place, pris dans sa réflexion. Sa vie, il l’apprend à force de regarder des films, il n’a pas encore expérimenté ce que c’est d’être un père, il essaie d’entrer dans la tête de la mère, on est capable de tant d’horreurs nous les humains ? Quinze mois elle avait la petite il ne peut pas trouver d’explication ni de solution satisfaisante. Chaque fois qu’il commence à trouver un monde équilibré, un évènement arrive pour tout bousculer. Il veut toujours sauver tout le monde. En face de ce procès, il est tétanisé, le père avait trente ans de plus qu’elle et était marié, elle ne lui a même pas dit qu’elle était enceinte, elle ne lui a rien dit pendant ces quinze mois de la vie de cette petite fille. Palomar est dépassé, rien ne rentre dans ses catégories très diverses qu’il échafaude à chaque film, il en attend d’habitude un bonheur, de la beauté, là, juste une horreur, et une vie de femme insupportable, ce n’est pas cohérent, c’est au-delà de ses possibilités. En fait, il ne s’était jamais posé cette question-là, alors longtemps et minutieusement il se re-raconte le déroulé du procès, revoit cette femme qui a été niée, méconnue inconnue même, il revoit ce regard qui est entré en lui, rien d’autre cette fois, ce regard, ce choc reçu par un regard. Lentement, insidieusement les gens n’ont plus de boussole, Palomar encore va chercher comment dissoudre ceux qui foutent la vie des autres en l’air — à moins que d’ici peu nous soyons tous dissous dans une fin de ce monde.
Quelle tension dans ce film qui se joue au dehors de Palomar ! On retient son souffle …
Merci, Géraldine. Un peu en retard, vous m’en excuserez? Vous faites du bien , à lire les uns et les autres.
Palomar serait il mon frère paumé ?
Ha, votre frère paumé! votre commentaire m’a fait réfléchir à ce que je comprends de vous Brigitte plutôt essaie de saisir à travers vos écrits, photos, actions, dont je suis admirative. Merci infiniment.
🙂 ou plutôt rire