De nouveau les portes vitrées de l’hôpital, sous l’abri porté par les énormes piles servent indifféremment pour l’accès et le départ sans que des barrières de chantier canalisent les pas sur deux trajets éloignés l’un de l’autre pour éviter les contaminations. A vrai dire il n’y a d’ailleurs que les deux situées le plus à droite de la rangée vitrée qui soient ouvertes, face au grand couloir qui part du hall vers les divers bâtiments et services. Le petit local ovale, cerné de vitres sous un bandeau indiquant « renseignements », qui nage dans le grand espace vide, un peu à gauche de cet axe, est inoccupé… mais deux hommes et une femme, en blouses jaunes, se tiennent un peu plus loin près de deux grandes colonnes portant chacune quatre écrans tactiles que les visiteurs et patients doivent manier, aidés le cas échéant par leurs indications, pour indiquer la raison de leur présence et obtenir un ticket d’attente. Brett suit le couple qui la précède et reste un moment en contemplation, balançant une main pour indiquer qu’elle entend se débrouiller seule, hésite un instant, obtient sans trop savoir comment, le petit sésame et vient ensuite se planter debout derrière les trois rangées de coquilles servant de sièges face à la batterie de guichets, dos appuyé à l’édicule déserté, comme appliquée à guetter vaguement | le numéro la concernant ne devant vraisemblablement pas apparaître avant un assez long moment | les quatre écrans lumineux qui annoncent la lettre du guichet devenu libre et le numéro élu, dont la longueur et une lettre venant clôturer la série de chiffres varient pour les consultations, les ambulanciers, les hospitalisés, les fournisseurs et elle ne sait quoi. La vie du hall se partage entre l’affairement de silhouettes anonymes, en blouses ou non, soignants, patients, accompagnants, ambulanciers, policiers parfois (mais pas de pompiers que l’on rencontre plutôt aux urgences) emportés par l’escalier qui s’élève obliquement juste après l’axe de l’entrée et des couloirs, suivant les cheminements de couleurs différentes peints au sol, attendant devant l’un des trois ascenseurs, descendant d’un taxi ou d’une voiture devant l’accès, ou revenant prudemment, verre en carton contenant une boisson brulante en main, de l’un des deux distributeurs installés devant les parois vitrées de gauche, et les immobiles, ou presque, assis les yeux sur les panneaux, lisant ou observant les mouvements et les rares éléments de décor, la plupart en couples ou plutôt en duos comprenant toujours une femme, dont l’âge peut varier entre l’adolescence et la cinquantaine, venue accompagner, rassurer, morigéner, distraire un ou une proche d’âge variable. Une mère et sa fille sont penchées l’une vers l’autre échangeant des murmures énervés, l’une se lève, la plus jeune sans doute mais ça ne se voit guère, intercepte un soignant de passage, revient en disant à haute-voix « je te l’avais bien dit, tranquillise-toi ». Une petite femme en trench et chaussons, un foulard mis avec désinvolture sur ses cheveux, les mains tatouées cramponnées sur son sac regarde devant elle avec un petit sourire, apparement indifférente au dialogue par dessus sa tête entre deux trentenaires, lui en survêtement elle en abaya et voile, une fille et un gendre, ou le contraire ? un garçonnet qui court le long des sièges et vient de temps en temps se planter devant elle le laisse penser. Une femme tient serrée dans sa main celle d’une adolescente, leurs épaules se touchent, elles se taisent, regardent les écrans. Un homme crie par moments une bouille de mots d’où émergent quelques ordures et sa compagne murmure des riens apaisants en lui caressant la main. Brett fouille dans son sac et en sort un livre qu’elle ouvre et ne lit pas.
image © Brigitte Célérier – Avignon 2020
Sans doute le livre ouvert n’est-il rien d’autre qu’un poste d’observation — belvédère personnel portatif ?
comme pour tous – ou de retranchement
On est si bien en dehors qu’on est complètement dedans .
on est pas si mal dedans.. on va obéir et laisser responsabilité aux autres