Note préalable : Le texte qui suit est chargé de mort, de tristesse, de pensées noires. Prenez une grande bouffée de soleil, saisissez votre parapluie et lisez avec détachement, ce n’est qu’une exploration. Ou ne lisez pas si vous vous sentez perméable. Pour preuve, au moment même où j’écris ces derniers mots, l’orage gronde et la pluie redouble derrière la fenêtre.
silencieux
comme la matière blanche qui précède le cri
comme l’imperceptible glissement d’un fil en acier qui tranche une motte de beurre
comme la substance poisseuse qui emplit l’espace au moment même où la lame de la guillotine pénètre dans la chair blanche de la nuque traçant une délicate ligne écarlate chargée des perles de sang du collier qu’il dessine
comme le souvenir des sensations veloutées que des lèvres aimantes ont laissé sur la peau d’un cou offert à l’abandon
comme l’appel du vide chargé d’effroi que l’air expulsé des poumons provoque avant même d’atteindre la bouche
comme un être séparée d’un coeur
comme une tête séparée d’un corps
comme la nuit noire qui accompagne la mort
silencieux
comme le vent éperdu qui précède l’orage
comme l’induction bourdonneuse qui emplit l’air avant même que la foudre n’éclate
comme les premiers picotements des électrodes qui réveillent la peau délicate au moment même où la charge de tension embrase les membres sanglés au fauteuil de torture dans les prémices du feu d’artifice terminal
comme le souvenir des sensations pleines de vie que chargent les muscles qui ont enlacé de désir les corps brûlants
comme la musique d’un coeur qui bat les dernières mesures d’une symphonie sur le point de s’achever
comme un être qui a cessé d’aimer
comme un corps assis sur la chaise électrique
comme le vent immobile qui accompagne la mort
silencieux
comme la fraîcheur matinale qui précède le lever du jour
comme le mouvement d’une mèche de cheveux sur le point de s’envoler et s’écrase
comme la glace qui fige la corde suspendue au ciel au moment même où elle se raidit stoppant net dans sa chute le corps qui s’allonge du cou jusqu’aux pieds écartelé entre le désir de s’envoler et la réalité assassine
comme le souvenir des sensations ondulantes des vagues qui enveloppent de tendresse quelques instants de bonheur et s’échouent
comme la pendule qui cherche à reprendre son souffle entre les ultimes mouvements de son balancier
comme un être perdu
comme un corps pendu
comme le désir brûlant de justice des uns qui accompagne la mort des autres
On sort du tranchant de ton texte avec la chair de poule… bravo
comme la vie qui s’en va dans un écrin de notes poétiques qui demeurent mais saluent