##techniques #08 | comme un ouragan

un texte, parfois plus chaque jour pour patienter. Important la patience. La mesure aussi... cette semaine s'arrête à mercredi pour ne pas abuser de la patience des éventuels lecteurs.

Comme la mer qui cavale vers le mont Saint-Michel comme si elle allait lui faire sa fête, l’engloutir tout entier en deux coups les gros. L’air du temps me rattrape et je me mettrais bien à courir comme un dératé dans l’espoir de trouver une hauteur. En vain. C’est comme Waterloo morne plaine dans le coin. Encore pire depuis qu’il fait beau. Le soleil ne rend pas le monde plus beau il nous aveugle c’est tout. Pire je cours mais je fais du sur-place. La poisse comme le sable, la poisse comme les sables mouvants. Et la mer monte bon sang comme elle monte vite et je m’enfonce lentement. Comme un ange passe en tutu qui joue de la trompette mais mal. La fausse note m’excite me fait dresser les poils. Ta gueule l’ange je dis et ça m’extrait d’un coup des sables. Me v’la qui lévite. Comme par enchantement. Mais je lévite dans le mauvais sens comme il fallait s’y attendre. L’ange se marre. Genre t’inquiète j’ai toujours raison, le con. Que t’aies la foi ou pas n’a aucune espèce d’importance. Comment on en est arrivé là ? Aucune idée j’ai juste dit comme au début et puis ensuite j’ai laissé filé pour arriver à la fin.


Ils sont dans la pénombre de ce que j’imagine être un wagon à bestiaux, dans un train, ils ne se parlent pas, ils se regardent, et là, elle Romy dit

« —komme »

à Jean-Louis.

Sauf qu’elle n’est pas Romy mais Anna et lui n’est pas Jean-Louis mais Julien.

Que le wagon à bestiaux est en fait un fourgon selon la page Wikipédia du film.

Mais peu importe les prénoms, les mots, l’époque, les différents caractères qui surgissent à l’intérieur de de cette scène,

Soudain un portail s’ouvre entre le réel et l’imaginaire.

Est-ce que ça change grand-chose que ce soit en allemand ou en français ?

« — komme, viens… »

C’est bien possible.

« —Viens » aurait un tout autre effet, peut-être de l’ordre du trivial, un mot qui appartient plus au vocabulaire de la prostituée présente dans le wagon ( Régine)

Ce komme crée une sacrée différence, comme un saut quantique.

C’est comme un livre de littérature classique qu’on ouvre, comment lit-on aujourd’hui au XXI ème siècle un tel texte ? Quelle est la réception actuelle d’un texte de Cervantes, de Montaigne, de Rabelais ?

Se prendre un livre de littérature classique de plein fouet sans avoir été prévenu comme on peut se prendre un poteau, un autobus.

Le texte comme le dialogue d’un film reste immuable, intemporel. La lecture est du temps, elle est du temps dans le temps. Lire c’est peut-être amortir. Amortissement pas forcément un mot de comptable.

la chute d’une feuille, un éclat de voix, le temps que prend une nouvelle pour nous parvenir.

La lecture et son lent déploiement, ses ramifications, ses affluents.

S’y avancer nu tout en restant attentif à ce qui nous touche est essentiel.

Ensevelir un texte sous des références historiques, universitaires peut le rendre impressionnant bien sûr mais ce sera tout de même l’émotion éprouvée qui nous aidera à en conserver le souvenir, la trace, la voix, le son.

Un livre peut dire « —komme »

un lecteur peut dire « — j’arrive » sans prononcer le moindre mot.


comme j’allais à rebours, effeuillant page à page, feuille à feuille, la fausse mémoire de ma fausse vie, je découvris soudain un vide logé dans la reliure qui m’intrigua et dans lequel je pénétrai, non sans quelques difficultés, car j’avais, dans l’opération précédente déjà, perdu énormément de mon ancienne souplesse.

comme j’atteignais l’obscurité totale je n’avais aucune indication concernant la taille de l’excavation. Était-elle de la taille d’une boite à gâteaux, d’une tombe, d’un continent noir, cette question me servi un instant de béquille pour m’installer au calme dans la nuit.

comme j’étais là depuis un moment, était-ce des minutes, des heures, des siècles, difficile à dire, mes yeux peu à peu s’habituèrent et commencèrent à distinguer les contours d’une terre immense, sorte de paysage marin, peut-être une grande baie bordée de part et d’autres par de prodigieuses falaises.

Comme je m’interrogeai sur la hauteur de ces falaises j’aperçus soudain dans le ciel des milliers d’étoiles dont les lueurs brillaient faiblement mais suffisamment pour que je puisse me faire une idée assez juste de l’innombrable.

comme j’étais allongé sur le sol l’idée me pris de me relever et de me dégourdir les jambes, j’y voyais désormais suffisamment pour rejoindre une grande plage où la pâleur semblait indiquer qu’elle était constitué de sable clair.

comme j’étais entré pieds nus dans cet étrange pays, je fus heureux de constater que je retrouvais de vieilles sensations oubliées, comme celle de marcher sur une herbe mouillée, puis sur le sable, et même parfois de sentir sous la plante la dureté tout à fait agréable d’une pierre, d’un rocher.

comme je m’interrogeai sur le différence appréciable entre ces sensations que j’appelais nouvelles faute de mieux et celles habituelles quand dans la vie de tous les jours on marche pieds nus sur de l’herbe ou du sable ou des rochers, l’idée suivante et qui parut à ce moment éminemment logique était celle qu’en passant à travers la reliure du faux livre de ma fausse vie j’étais mort.

comme je réfléchissais à la nature de cette mort, et que je désirais pousser la logique vers ses extrémités les plus extrêmes je découvris soudain que j’étais encore plus vivant que jamais je ne l’avais jusque là été.

comme j’en étais content, j’ouvris la bouche et sans la moindre volonté de ma part quelque chose en sorti et qui réflexion faite, avait l’air d’être un chant.


Je l’avais lu tôt, l’intranquillité de Pessoa résonnait tellement bien avec la mienne. Trop tôt peut-être, j’aurais pu encore jouir un peu de la jeunesse si je l’avais lu vers la quarantaine. Mais cette phrase

« vivre cela n’est rien, naviguer est précieux » ou encore celle-ci, « je ne suis rien mais en moi il y a tous les rêves du monde… »

Elle auront achevé une grande partie de mes doutes sur le fait de vouloir être quelqu’un et certainement avant même que je commence à en prendre conscience.

Pas étonnant de voir que Lautréamont évoque également cette nécessité d’anéantissement de l’auteur.

Pessoa comme Lautréamont comme on pourrait dire étoile comme fleur.

L’utilisation d’un comme nécessite une disparition, d’abattre certaines cloisons.

Il ne s’agit plus de métaphore au sens où on utilise la métaphore par défaut ou par facilité.

Tout au contraire. On use du comme comme d’une gomme.

Maintenant concernant la conscience que l’on peut continuer à entretenir durant la mort comme de son vivant, il s’agit probablement de la même chose, c’est à dire se résoudre à passer par le goulot étroit de cet anéantissement. De mettre fin à une fiction. Cette fiction qui, pour exister, aurait besoin d’une réalité.

Une absence parce que les mots viennent mieux ainsi, ils ne sont plus freinés.

Les mots sont comme des bolides qui traversent l’espace intérieur, et partant rendent compte de l’existence d’un tel espace. Qu’on puisse les projeter ensuite vers l’extérieur nécessite l’invention d’un extérieur également.

On pourrait dire alors l’intérieur comme l’extérieur.

J’ai souvent pensé non pas à la mort mais à qui j’étais avant de venir au monde. Avant de naitre et après-vivre, n’est-ce pas tout comme, abstraction faite de toutes les péripéties.


Une condition pour qu'il y ait du similaire du semblable, sinon ça reste monstrueux. Si c'est presque semblable le comme tombe comme un cheveu dans la soupe. Le comme devient alors insensé. 

Justement plongée dans l’insensé.

Comme si de vieilles lunes déjà étaient mille fois tombées sur Terre emportant dans leurs débris les vivants d’autrefois, surpris en plein rêve.

Comme si dans les récits rédigés en sanskrit on ne racontait pas des histoires pour enfants sages mais de vraies histoires cruelles et sanglantes et ou le mal déjà montrait le vilain bout de son nez.

Comme si les dieux étaient des êtres de chair et de sang vraiment, tout aussi impitoyables et colériques que nous le sommes envers nous-mêmes. Comme si à leur image n’était pas pur effet de style. Comme si l’éternité dont nous rêvons la rose ne la rêvait pas aussi, mais la vivait désormais comme nous ne la vivons plus.

Comme si la rose la vivait d’autant plus fort que nous ne la rêvons plus pour compenser le manque et redresser un équilibre oublié, défaillant.

Comme si les ours avaient enseigné à nos ancêtres il y a 300 000 ans à utiliser les anfractuosités de la roche pour faire naitre le vivant au travers de la magie du dessin en utilisant du bois brûlé, de la terre d’ocre.

Comme si ridicule étant ce milliardaire qui se bourre de gélules pour garder une peau de bébé, que cet autre plein aux as rêvait de conquérir mars la rouge qui fut jadis probablement notre origine.

Comme si les choses s’accéléraient désormais, et à un point tel de non retour que rien ne pourra plus être arrêté, sauf par un miracle ou un cataclysme.

Comme si l’arrivée des flottes extraterrestres allaient compenser la fuite fiscale des consortium qui sur notre dos se sont tant gavés, et l’allongement du temps de travail.

comme si la voiture électrique, le robot aspirateur électrique, la vitre électrique, le vibromasseur électrique, allaient fournir la moindre impulsion électrique à nos cœurs calcinés

Comme si l’encéphalogramme plat allait bondir à nouveau vers une orgie de synapses

Comme si le bruit de bottes allait être étouffé par les spots publicitaires à gogo, les trois pour le prix d’un, les promos comme une tête de gondole à Venise sous l’eau. Comme un Drakkar qui coule dans Astérix.

C’est comme si Rome, Athènes tombaient encore et encore en direct au journal de 20h et que nous en restions indifférents, décérébrés. Comme si la seule sensation valide qui subsiste était encore celle du pouce zappant sur les boutons des chaines de nos télécommandes.

c’est comme si mai tournait en eau de boudin que le printemps jadis si gai devinsse tout à coup comme tout le reste poussif en nos têtes et cœurs

C’est comme si dans le ciel les oiseaux s’en fichaient de nos tourments de riches d’opulents et qu’ils partent encore à la quête de leurs rêves de nids, de progénitures en se moquant.


Comme quoi… comme un cochon… comme un excentrique autour d’un axe taré… comme un jour sans pain… comme une moule claquée …. Comme trente-six chandelles…. Comme un coup de Sirocco… comme tu dis… comme elle est bien roulée celle-là… comme elle tu sais bien, machine … comme trois coups de cuillère à pot… comme un os dans le pâté… comme de l’électricité dans l’air … comme ça ne mange pas de pain… comme ce n’est pas pressé… comme il a dit le Môssieur… comme il est mignon le KIKI … comme chez vous, faites… comme nous l’avons écrit nous le faisons… comme des œufs au plat… comme une limande… comme un âne en rut… Comme si ça ne suffisait pas déjà… comme dans du beurre.. Comme un coq en pâte… comme papa dans maman… comme un blanc… comme un gros rouge qui tâche… comme un bourrin… comme une pédale… comme une danseuse… Comme un coup de trique… comme un rêve… comme un air de reviens-y… comme dans le temps… comme (à la guerre comme) … comme un seul homme… comme un troupeau de moutons… comme une frayeur… comme une étincelle…comme du pipi de chat… comme un gros blaireau… comme un castor… comme un ouragan… comme une andouille… comme une fleur… comme un poisson dans l’eau… comme une fausse note… comme un ange qui passe… comme un train qui peut en cacher un autre… comme type tu te poses là… comme on boit sans soif… comme on rit sans les yeux… comme on pleure des larmes de crocodile… comme se range des carrioles… comme on pète dans la soie… comme qui dirait… comme la lune pas le doigt… comme des oignons alignés… comme un petit vent frais… comme un gros coup de pompe… Comme elle est venue elle est repartie… Comme quoi j’avais bien raison… comme une cerise sur le gâteau… comme une parenthèse… comme une débandade… comme un coup de grisou.. Comme une maison ( gros ) … comme une chatte sur un toit brûlant… comme un film au ralenti… comme un film à l’accéléré… comme la mer et les poissons… comme du vent dans les voiles… comme un avion sans aile… comme une fourmi sans sucre… comme une mouche sans coche… comme un fleuve asséché … comme un lapin de la dernière couvée… comme un chien de ma chienne… comme une dent contre l’autre… comme un nez au milieu de la figure… comme des rats… comme des sardines… comme aux heures de pointe… Comme chien et chat… comme de l’eau de roche… Comme un mot de trop… Comme un aveu… comme un ciel de plomb… comme une plume… comme des pattes de mouche… comme un porc… comme une truie… comme un monstre… comme s’il fallait remettre encore ça… comme j’aurais voulu voir ça… Comme il perd rien pour attendre… comme une odeur de caoutchouc brûlé…comme ça pue … comme une crêpe… comme une orange… comme une pipe… comme une éclaircie… comme le bout du tunnel… comme un coup de trop… comme de la petite bière… comme une ville déserte… comme un coin paumé… comme un château de cartes… Comme des empreintes de doigt… comme une preuve par neuf… comme il fait chaud.. Comme il fait peur… comme il m’emmerde… comme il parle pour ne rien dire… comme il ne dira strictement rien… comme des veaux… comme un bœuf à l’abattoir… comme une flèche en plein cœur … comme une machine dans ma tête… comme il est beau mon légionnaire… comme le loup le renard et la belette…comme un air d’accordéon… comme une chanson de Mac Orlan… comme un poème de Prévert… comme une rue qui s’éveille… comme une grève de poubelle… comme une lettre à la poste… comme une marque sur le front… comme un juif, un noir, un arabe… comme un gland… comme une pute… comme un peu de rosée…Comme une petite pointe d’ail et de persil… comme un zeste de citron… comme c’est alambiqué ton truc mon biquet… comme elle nous bassine… comme elle nous retourne… comme elle nous achève… comme elle suce… comme elle fait les cent pas… comme elle fait le trottoir… comme il est con comme un balai… comme quoi déjà ?… Comme un cochon ! Comme l’occasion fait le larron… comme un air de fandango…comme un loir… comme une grue… comme une poule… comme un pou… comme des animaux… comme dans une bauge… comme un asticot… comme le ver dans la pomme… comme une roue voilée… comme une trace de freinage… comme un oubli… comme un pet de travers… comme un coup foireux… comme en quarante… comme au boxon… comme à l’école… Comme à la cantine… comme du papier à cigarette… comme une injonction… comme une résistance… comme un nœud dans la gorge… comme un truc dans le nez… comme un sale goût dans la bouche…comme des queues de pelles… comme un manche… comme une tête de pioche… comme un râteau… comme une initiation… comme une défaite cuisante… comme le passage sous les fourches caudines… comme un peu de rouge au front.. Comme un œil au beurre noir… comme une page arrachée… comme des signes néfastes… comme des routes qui ne se croisent jamais… comme un cerf qui brame… comme un vol de gerfauts … comme une ombre… comme une lueur d’espoir… comme une prémonition … comme un torticolis … comme une jambe de bois… comme un point à l’horizon… comme la fin d’une belle histoire. En un mot comme en deux.

A propos de Patrick B.

https://ledibbouk.net ( en chantier perpétuel)

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