Mon temps, je l’ai perdu au fil de mes pas vacillants, dans des réflexions hésitantes, des retards escargots, des pauses inutiles comme un mille pattes qui ne peut qu’avec difficultés avancer sa marche nécessaire.
Mes enfants, je les ai perdus de vue comme une mère Pearl Buck, prête à accoucher mais qui n’a plus que des lettres fondamentales pour elle si fragiles pour des lecteurs absents.
Mes jeunes années , je les ai perdues à ne pas assez lire, à vivre trop comme un personnage de roman qui inventerait son livre au fur et à mesure de son aventure.
Le contact que j’aurais dû prendre avec des personnes magnifiques d’intelligence, de gentillesse et de précision dans le langage, je l’ai perdu comme un hérisson sans épines.
Ma jeunesse enfuie dans une lourdeur du corps, je l’ai perdue mais retrouvée en pensées comme fleurs de rhétorique.
Des voyages autour d’une terre comme ces territoires non encore visités.
La mémoire de ma géographie apprise jusqu’en Terminale et restée attachée aux manuels fermés comme des paupières alourdies d’onirisme.
Des lectures non faites au seuil de mon enfance, je les ai perdues comme une école buissonnière trop prête à vouloir s’exprimer au lieu d’écoutes.
L’amour de mes pairs surtout, par faute d’inattention. Me le pardonnerai-je ? Comme une chèvre échappée vers la colline trop loup et oubliant l’essentiel du bien quotidien.
Au moins, que l’écrit vienne combler ces manques de présence au réel à saisir comme des yeux grands ouverts vers l’extérieur qui accueille. Merci.