Il n’arrête pas de dire qu’il a réservé un livre à la bibliothèque. D., l’auteur, il en a entendu parler à la dernière réunion du syndicat il y a une semaine. Il a reçu un message, le livre est disponible, au moment où nous le regardons du dehors, cher Palomar, il est dans le métro. Il faudra marcher un peu de la station jusqu’à la bibliothèque, il se dit que c’est bon pour sa santé. Va savoir pourquoi, sans réfléchir plus que ça, il descend quatre stations avant celle prévue, je vais regarder si je trouve un pouf, ils en ont parlé il y a deux jours, je marcherai plus longtemps. Un pouf ? L’homme qui fume devant son étalage de téléphones ne sait pas ce que c’est, avec les mains il montre un cylindre aplati, sans effet, personne ne voit. Bon ! Il continue, la rue à gauche puis celle dans le prolongement, un peu à droite. il passe devant la boutique pleine de livres et en gros sur la vitrine Ouvert au public, entrez, il entre, un bonjour vient du fond de la pièce, derrière l’ordinateur, bienvenue. Il se retrouve devant des piles de bouquins, une librairie d’occasion qui aurait trouvé et acheté à vil prix un lot d’éditeur ? Ce que nous voyons, nous qui sommes restés dehors, c’est que sa tête change, une idée soudaine et il parle, c’est quoi ici, une librairie ? oui et non, des auteurs de livres de photographie et de voyage qui se sont regroupés, leurs noms sont sur ce papier là devant vous. Vous voyez pas, je vais vous montrer et une grande fille se déplie derrière l’ordinateur, c’est ce que nous voyons, ses yeux, à lui, tournent vite, l’air d’essayer de penser aussi vite que le réel, l’air de vouloir s’enfuir et il dit qu’est ce que je fais là ? Qui, quoi m’a guidé là ? Cet air de certitude que je ne suis pas là par hasard. Mais alors ? Il dit vous êtes photographe elle dit oui je suis de passage à Paris comme hier de passage à Pékin. Il dit je sais l’ami d’Ispahan m’a parlé de cette photographe que tu devrais rencontrer. Elle dit alors vous êtes l’ami de mon ami d’Ispahan, oui. Il dit hier j’ai rentré votre nom dans mon carnet d’adresses. Mais alors, il dit … alors, cher Palomar, si je pouvais les voir du dehors, je verrais les neurones qui s’activent c’est cette rue, j’y passais parfois pour aller à la pizzeria, je savais donc qu’elle était là mais si on m’avait demandé j’aurais dit que c’est plus loin mais quand même hier j’ai écrit ce nom. Ça va à la vitesse d’une connexion synapsiale, trop vite, j’avais prévu d’aller en métro jusqu’au bout, qu’est ce qui m’a poussé à descendre avant ? Admettons tout ça et prenons le comme un bon signe, un super cadeau d’anniversaire. Par contre la photographe de passage a du me prendre pour un fou. Nous c’est ce qu’on voit, il se dit qu’il est fou, c’est quoi cette histoire de coïncidence, de hasard, de neurones, va falloir que je me penche là dessus. On en voit des choses du dehors.