Dans les bruits d’une nuit printanière, le piaillements d’un oiseau nocturne percent l’espace.
J’entends au loin les basses saturées d’une fête finissante. Il est cinq heures du mat, les coups réguliers de marteau rythment les pas enivrés des derniers survivants. Dans la banlieue de la ville, le printemps se fête la nuit des fins de semaine avec les oreilles qui saignent et l’estomac qui se retourne. Au fond de la vallée, l’autoroute laisse percer le filet d’une moto pétaradant de colère, étoile filante sonore transperçant l’anonymat de la nuit et son étrangeté. Plus près de moi, derrière la cloison de ma chambre, ma machine à laver atterrit en mode essorage sur le plancher de ma nuit déchirée une fois de plus au petit matin par un réveil impromptu. Je reste allongé dans mon lit, j’entends la musique du monde. Les premières mesures de l’intro transpirent le quotidien. Le chanteur fait son entrée avec une cascade de notes cristallines et pures. Le rossignol philomèle prend le micro sur le devant de la scène avec une impro nourrie de phrases répétées.
En fond, presque inaudible, les basses saturées d’une fête au loin, le filet d’une moto pétaradant sur l’autoroute, l’atterrissage d’une machine à laver en mode essorage et, sur le devant de la scène, emplissant le silence imparfait de cette nuit de printemps, les cascades d’un rossignol philomèle aux notes pures et cristallines me tiennent éveillé.
J’écoute. J’ouvre en grand les fenêtres de ma chambre et de mon imagination. L’oiseau slame sa poésie avec une technique virtuose, finissant parfois sa strophe en élevant l’intonation pour laisser planer le silence de l’interrogation. Le sifflet d’un yihp ponctue sa mélodie. D’autres fois, au contraire, il descend d’une note en fin de phrase pour souligner l’affirmation avant un errrr grinçant et moqueur. Et de reprendre la répétition de ces motifs courts scandés avec une boite à rythmes entre deux murmures liquides. Et derrière, le marteau martèle, l’étoile filante file, l’essoreuse essore. Au clair de l’aube naissante baignée d’une lumière lunaire, les grands pins ondulent dans l’encadrement de ma fenêtre et les chênes verts frémissent. Un silence imparfait s’invite entre chaque note et ouvre la porte à des mondes chargés de rêveries et de souvenirs. Je ferme les yeux et je me rendors.
Une nuit de printemps, je me suis remis à rêver.
Photo de Aditya Chinchure sur Unsplash
Comme il est bon d’être tiré du sommeil quand les mots s’en mêlent… Je retiens, outre le philomèle, l’atterrissage de la machine à laver en mode essorage