C’était l’agitation du printemps encore, le pépiement des oiseaux, le martèlement des outils dans le chantier sur le trottoir d’en face, les cris des enfants dans la cour de l’école bruissaient et s’égaillaient dans l’air tels une nuée d’insectes, les jours s’allongeaient, puis sans que l’on y prenne garde l’air était chaud et le corps lent, s’amorçait alors la descente estivale, le bitume brûlant, la pesanteur silencieuse des places et, parfois en fin de journée, parmi les lueurs orangées qui coloraient sept heures du soir, des mélancolies douteuses comme un frisson que suspendaient un temps le bruit du tonnerre et l’approche de l’orage.
L’illusion d’un fondu enchaîné, lent, imperceptible, c’est brutal autant que sournois, un mouvement inéluctable, mortifère, un voile posé sur la ville, pesant, silencieux.La pesanteur silencieuse des places, ce sont là formes classiques et rythme facile, un peu grandiloquent. J’aime les indéfinis et les pluriels. Jean-Pierre Richard relevait chez Verlaine les « parmi », la localisation floue, l’évanescence, la dilution mais aussi le grinçant, la dissonance, ce quelque chose qui gratte et agace tel corps aspirant à la mollesse ou au lâcher prise, ce qu’il nommait la fadeur verlainienne. Je garde cette idée de la fadeur comme principe actif et corrosif : la fadeur ou le terne attaquent tout aussi vivement que la banalité. Quant à ce petit texte, il y a décidément trop de mots. Au fond on ne peut guère s’égailler que dans l’air. Et l’imparfait, s’il est réputé de nature à égaliser toutes choses, paraît encore bien trop défini, seul le présent est véritablement suspendu, indéfini.
C’est l’agitation du printemps, le pépiement des oiseaux, le martèlement des outils dans le chantier sur le trottoir d’en face, les cris des enfants dans la cour bruissent et s’égaillent tels une nuée d’insectes, les jours s’allongent, puis sans que l’on y prenne garde l’air est chaud et le corps lent, s’amorce alors la descente estivale, le bitume brûlant, la pesanteur silencieuse des places et, parfois en fin de journée des mélancolies douteuses comme un frisson que suspend le bruit du tonnerre à l’approche de l’orage.
Des cris qui s’égaillent, voilà qui n’est pas très heureux, et ne dirait-on pas que l’on s’y perd avec ces formes nominales qui semblent avoir égaré sujets et verbes. Il y manque aussi un mouvement d’ensemble, cohérent qui traduise dans le rythme cette descente estivale. Descente… Il y a bien l’idée d’un déclin mais aussi d’une décompensation, d’un delirium tremens peut-être, du moins d’un sevrage. On verrait bien plutôt l’hiver à une telle place et pourtant non, ici le sevrage est estival.
L’agitation du printemps, le pépiement des oiseaux, le martèlement des outils sur le trottoir d’en face, les enfants crient et s’égaillent à travers la cour et dans les rues tels des nuées d’insectes, les jours s’allongent, sans que l’on y prenne garde l’air est chaud et le corps lent, s’amorce la descente estivale, le bitume est brûlant dans la pesanteur silencieuse des places, parfois en fin de journée, parmi les lueurs orangées qui colorent sept heures du soir, le tonnerre suspend de douteuses mélancolies.
Et bien à la fin on ne sait plus bien et l’on pourrait tout aussi bien revenir à la case départ.
J’aime beaucoup la chute, les saisons sont un mouvement circulaire, un jeu de l’oie qui recommence éternellement et où l’on retrombe toujours sur la case pépiement d’oiseaux (on espère ne pas tomber sur le martèlement des outils)
Merci Perle, je l’aime bien aussi le martèlement des outils, il met en valeur par contraste, le silence et la torpeur parfois.
» Les jours s’allongent, puis sans que l’on y prenne garde l’air est chaud et le corps lent, s’amorce alors la descente estivale, le bitume brûlant, la pesanteur silencieuse des places et, parfois en fin de journée des mélancolies douteuses comme un frisson que suspend le bruit du tonnerre à l’approche de l’orage. » Merci Marion, un beau texte de saison, une lente descente vers le trouble de l’été et ses mélancolies douteuses, rafraîchies, pour ma part, par la vive bise qui souffle du côté de ma Normandie, encore une autre sensation à explorer…
Merci Florent, il y aurait quelque chose à faire cela dit d’une nouvelle Normandie à l’heure du réchauffement climatique, de nouvelles touffeurs et le souvenir de l’eau…
Très intéressant et c’est vrai, à la fin on pourrait très bien revenir à la case départ, j’aime beaucoup d’ailleurs la première version du texte (quelque chose de flaubertien ?), j’y perçois fortement le passage du printemps à l’été, la langueur qui s’installe.
ça n’a pas vraiment à voir mais ça m’a fait repenser à un exercice de l’atelier d’été 2020 https://www.tierslivre.net/spip/spip.php?article4923 où François nous a proposé de faire des sortes de zooms temporels en associant un bref énoncé au passé simple et des phrases au présent. Les textes issus de cette proposition étaient fantastiques.
Merci Muriel, je vais regarder cet exercice. Cette réflexion sur le présent est venue pour ma part de l’exercice sur Charles Juliet. C’était les cycles outils du roman et progression que j’avais menés de front. Il y avait une suspension dans le présent, très malaisante et en même temps très forte. Cela avait donné un texte très similaire dans son inspiration, que je n’ai jamais poursuivi, mais qui m’avait donné à l’époque une vraie direction. On y retrouve encore Verlaine d’ailleurs, un peu obsédant https://www.tierslivre.net/ateliers/le-dytique-cest-fantastique-ou-parmi-la-maladive-exhalaison/