Samuel
ce que c’est quand il boude
Il est charmant, délicat, attentionné, pas bavard jamais, mais présent, attentif, devançant même vos envies. Et puis, patatras, il n’est plus là, pas absent, mais disparu. Parfois on met un peu de temps à s’en apercevoir. Ce n’est presque rien, le visage inexpressif, le retrait dans un coin, sur une chaise, dans un bricolage qui aurait pu attendre, qui attendait d’ailleurs depuis longtemps et devient tout à coup urgent, prenant, absorbant toute son attention. Ceux qui savent disent qu’il voudrait plus de considération, qu’il aurait besoin que l’on fasse attention à lui. On fait pourtant comme d’habitude. Pas plus pas moins que d’habitude. De quelle considération, de quelle attention s’agit-il ? On se demande s’il souffre, on le lui demande, mais il ne répond qu’évasivement. Pourquoi ne va-t-il pas s’allonger, s’isoler le temps que ça passe ? Non, non au contraire, il reste là pour que chacun sache. Avec certains il développe des aparte en chuchotant presque. Aux autres, il ne peut pas parler. Il laisse le monde s’agiter sans lui pour que tous soient témoins de son mal-être envahissant, qui nous envahit tous et toutes autour de la table du repas. Il mange pourtant et boit aussi comme d’habitude, plus que d’habitude et en silence. Il aura juste un mot pour dire que la place où on l’a relégué n’est pas la sienne, il n’en change pas pourtant, cela n’a pas d’importance. Il subit en silence tous les affronts qui sont faits à ce qu’il estime être ce qu’il mérite, une preuve de plus qu’il enregistre. S’il parle, c’est à contretemps, pour poser une question déjà résolue, questionner une décision à laquelle il a participé, remettre en cause un projet dont on croyait qu’il lui tenait à cœur. Ceux qui le connaissent disent qu’il faudrait qu’il grandisse, que c’est une attitude de gamin. Les enfants eux savent très bien qu’il ne faut pas toucher à cette grenade dégoupillée, au terrain plein de mines du couple parental qui est dans une mauvaise passe. Ils font comme s’ils ne voyaient rien. Ils vivent leur vie , retournent vite à leurs affaires. Ils ont raison, ce n’est pas leur affaire, c’est une affaire d’adultes. Il paraît que cela peut durer des jours. Je ne sais pas, je suis partie avant.
Terriblement senti cette disjonction autour d’une table
Merci Nathalie. Je suis en plein dedans.