Derrière tes silences. Beyond your silence.
Pourtant tu parles tu cries, mon corps. Tu ne te laisses pas faire par le temps. enfin si, tu résistes, tu veux pas et puis tu te résous. Tu gères, comme tu dis, tu inventes des astuces pour contourner la douleur nouvelle, inattendue, apparue soudain.
A dix sept ans, tu te souviens, jeune homme présent au monde nous rêvant épris de liberté face à l’océan nous nous en voyions l’égal. Nous sautions ses vagues, même pas peur il nous amusait, nous l’affrontions, pas copain copain. Notre fluidité se coulait entre ses molécules aqueuses, milieu plus accueillant que tous ces humains qui, eux, elles surtout, me faisaient vraiment peur, que je ne comprenais que peu, que je ne savais frôler, caresser, aborder même. T’ai-je jamais pensé, mon corps, objet de désir. C’est moi qui désire, mon sentiment, mon désir pas celui de l’autre corps, désir outil de pouvoir, c’est moi qui décide, pas toi mon corps, laissé de côté, éventuellement instrument de plaisir de ce désir décidé ailleurs. As-tu eu la parole, te l’ai je donnée, l’ai je écoutée ? Compagnon indispensable à la présence ici, compagnon ignoré, tu faisais ce que j’attendais de toi, séduisant, timide, tu as fait ton bonhomme de chemin et, parfois, nous nous croisions.
Avons-nous jamais pensé qu’on pouvait nous trouver beau, tu aurais pu me le dire, on aurait vu ce qu’on pouvait faire ensemble. Mais je regardais de loin allongé sur le sable, fier presque du confort de rester caché, de ne pas risquer la déception, c’est toi qui me disais ça ? Cette histoire de beauté, mon corps, es tu resté silencieux, m’as tu leurré, si certain de ta beauté, de ton pouvoir d’attirance, que aucun effort n’était nécessaire. La certitude de beauté comme désir killer. Tu disais ou j’entendais mais oui je suis beau, t’inquiète, c’est dans la poche. T’es un filou mon corps, fais pas d’effort, ne désire pas, ça viendra seul.
Oh la la, c’est pas clair, je m’y perds, ça vient de partout. J’ai bien envie de te la mettre sur le dos cette confusion, dire tout et son contraire c’est bien toi
Et puis ça se grippe. Pas malade non, l’âge, moins bien huilé, plus difficile de marcher droit. Nous cherchons ensemble dans les grimoires des temps passés, tisane apaisante, huile massante, nous cherchons ensemble dans les trouvailles de la médecine, tous ces mots IRM, scanner, échographie, notre collection d’images intérieures est impressionnante, nous pourrions en faire un livre mais de guérison point puisqu’il n’y en aura pas puis qu’elle n’existe pas puisque de toute façon c’est normal, si vous venez me voir chaque fois que vous avez mal quelque part, on ne va plus se quitter. On va régler ça entre nous, le corps, ce qu’on s’est donné, ce que tu m’as donné, ce que je t’ai donné, faire le bilan et se partager la tâche. Tu ne veux pas souffrir, on ne souffrira pas, tu ne veux pas t’enterrer seul, on ne le fera pas, tu veux voir des gens, on va le faire. Tu veux rester souple comme la branche de troène qui plie sous la pluie, nous l’essaierons.
Bizarre que je n’ai commencé à t’écouter que quand tu ne m’as plus obéi au doigt et à l’œil, quand tu as résisté à mes désirs.