Derrière les silences, mon corps est en place en son subtil agencement s’enracinant dans la deuxième moitié du XXe siècle et poursuivant sa route en ce XXIe. Derrière les silences mon corps, pose-toi et poursuis ton long déséchafaudage charriant envers et contre tout ta joyeuse mélancolie. Le curseur varie sans cesse. Tes rouages se dérèglent. Mais souviens-toi, c’était en bordure d’étang, un temps de délire des sens, tu y étais façonné en concevant ton amour de la vie. Derrière les silences le miroir de ton unité conquise s’assombrit, se brisera bientôt. Petits pieds longs bras et tête haute. Mon esprit t’occupe, prend parfois le dessus, toi tu le suis l’accompagnes, quand la mollesse s’installe, tu dépéris puis réagis aussitôt. Derrière les silences et les rideaux de brume parfois un combat singulier surgit, vous vous réconciliez très vite en retrouvant un terrain d’harmonie. Tu es le plus fort, tu ne veux pas perdre ta substance vitale. Derrière les silences, mon corps tu recherches ton équilibre, ton nombre d’or, mon esprit te perturbe, te déséquilibre. Et puis le jeu d’équilibriste recommence. L’âge avançant le jeu se complique, les forces ne sont pas égales ; te voilà trahi mon corps, chacune à son tour, des parcelles s’expriment, demandent de l’aide. L’esprit doit intervenir, rassembler, trouver un sens et redémarrer tant qu’il est possible. Derrière les silences tu comptes tes peaux tendres fermes lisses métamorphosées en peaux striées, affaissées, mais résistantes encore. Tes combats tes choix tes résignations tes enchantements tes douleurs, chacun a laissé des traces telles des strates géologiques. Tu es insaisissable en tes métamorphoses subtiles. Il t’arrive de faire le malin, mais je sais, moi ton esprit que tu te dissoudras pour toujours alors que moi conscience, ce n’est pas sûr du tout. Tu es mon enveloppe, tu me bouscules me trahis me dorlotes me fait souffrir tu te rafistoles je pense à toi je te ménage en général et tu me le rends presque bien, écoute réciproque de deux amis fidèles. Derrière les silences tu figures dans des tas de spectacles, des comédies, des tragédies des tragi-comédies, régulièrement tu perds pied, tu t’échappes très souvent du raisonnable. Si on savait tout ce qui se passe au dedans, on découvrirait de multiples chemins pour passer de l’intérieur à l’extérieur, peau fine fragile ici peau dure épaisse ailleurs. Pieds nus sur l’herbe humide, tu te régénères. Sentir ton poids puis sentir ta légèreté puis faire un tout harmonieux. Derrière les silences mon corps tu es le siège d’une circulation intense de la vie, même les jours sombres qui engendrent en toi des labyrinthes peuplés d’araignées qu’au bout du compte mon esprit apprivoise. Siège des répercussions de mes délires, de mes rêves, de mes ratés, de mes jeux d’esprit, tu réagis et on essaie de se comprendre. Derrière les silences tu te ranges tu te caches tu te prépares tu ne voudrais te montrer que lorsque tu atteins le mieux de toi-même. Scrute, mon esprit, avec tendresse les moindres sillons, plis qui ne cessent de se creuser. Qui crée les secousses toi ou moi, toi et moi. Résiste encore toi mon corps affaibli, laisse-toi porter, plus tu vieillis et plus l’univers intérieur grandit. Encore ensemble nous voyons au-delà de l’immédiat réel, par des temporalités imaginaires. Derrière les silences nous aspirons les bleus du ciel, les nuages. Un jour nous serons prêts à nous séparer.