Le noir des cheminées au loin, noyé dans le gris de la mer et du ciel. Tout étalé par des doigts géants et enfantins, les teintes se mélangent, traînées avec négligence les unes sur les autres. Les yeux tâtent, les yeux devinent les contours dissous de la côte qui remuent, des tuyères hoquettent leur vapeurs envoûtantes et vaguement mortifères. Les cris des mouettes soufflent leur plainte dans les voiles qui roulent sur le sable. Des baigneurs s’aventurent glissant des bouts de pieds dans le liseré écumeux du grand bain glauque, retirant vite la chair bleuies, sautillant dans les coquillages concassés, les algues délaissées. Des rires, des exclamations essoufflées s’entendent, absorbées par le sac et le ressac.
D’autres jours, le vent envoie des lames qu’aucun vêtement n’arrête, d’autres jours le ciel est bleu, les champs d’usines sont un mirage. Les badauds sont rares, les rafales chargées de sable fouettent la peau à découvert. L’Angleterre a-t-elle jamais existé ? Des ferries s’aventurent dans l’eau morne explorer cette possibilité, leurs carcasses rampent sur l’eau, exsudent une suie noire, plein des rêves avortés laissés derrière eux, au débarcadère, zone des songes inaccessibles. Le Nil a remonté jusque là, ses limons viennent s’amasser à ce bord de terre. Terres d’Ailleurs qu’espère encore entrevoir le bout déchiré d’un vieux sweat-shirt sans couleur, vigie obstinée charriée par d’obscurs courants, piégée dans les concertinas en fleur, ces harpies fermoirs de tous les horizons.
Visions migrantes dans l’espace et dans le temps… J’aime