Sans trop de place pour s’y faufiler à droite et à gauche mais dans la salle, le billard et ses quelques boules de couleurs, pour y jouer seul besoin seul outil : ses mains – jeter ou faire rouler doucement, de petites quilles sur le tapis vert qu’il faut éviter, les cris les verres de bière ou d’anis, les clopes écrasés et l’heure arrivant, s’enfuir vers le quai – déposer sur le rail un pièce de vingt centimes attendant le passage du train, récupérant l’objet d’un millimètre d’épaisseur allongé en une espèce d’ellipse – le chef de gare disant « quand on vieillit, le plus difficile c’est de récupérer, sinon tout reste pareil » – cette vieille femme ses paquets ses sacs en plastique puis montant dans un train qui s’en va vers l’est et ce magnifique Finale Ligure – bleu vert jaune au toit rouge – du blanc aussi oui – du blanc –
Vintimille trouvant la voiture, s’installer parlant tout au plus trois ou quatre mots du dialecte – la grosse femme paniers de fruits de victuailles montant criant « Posto ! Posto » comme si elle était là, devant moi, ses traits ses cheveux bruns bouclés cette ride en haut du nez criant marchant s’installant enfin en soupirant, s’essuyant le front – le train tournant à l’intérieur de la montagne montant la gravissant et montant encore dans le noir et l’alternance de tunnels et de ponts, de viaducs de rivières – tout à l’heure redescendant cris des freins – ici le froid les cris, là-bas la mer chaude et les nuages doucereux – en bas des montagnes le marché du jour, le vert et l’ocre des bâtiments, dans l’urgence les plats de la cantine, les petits pois fiselli aux calamars, vite repartant, vite riant, vite se saisissant d’une pile de feuilles, de deux ou trois enveloppes de craft, vite courir courir encore et se trouver donner par les contrôleurs ce diminutif à l’o ouvert (personne ici ne le prononce comme eux, la casquette de travers, le sourire jovial et le parler argotique et drôle) – du côté de Fontan-Saorge le sarde qui cuisine du sanglier et de la polenta – revenir revenir repartir quatre fois une semaine cette année-là, une par saison, comme en Corse le train s’arrêtant vers nulle part, n’importe où là où descendra cette vieille femme attendue (un peu à la Danielle Darieux cheveux gris) attendue par une autre en carriole (Silvana Mangano en plus tendre) sur le bord du chemin, la vallée de la Roya le vent le fleuve l’odeur des arbres s’il a plu le froid et la neige de l’hiver
On s’y croirait ! (douce nostalgie) (est-ce qu’il ne manquerait pas un mot entre la et gravissant ?). Très vivant, très chouette.
merci ! (euh non, je me suis mal exprimé : en fait la voie de chemin de fer tourne à l’intérieur même de la montagne et le train, donc, la gravit…)
C’est très dépaysant. Quelle saison ? Bah, toutes.
oui, toutes – merci à toi
et ces femmes illustrées par un nom qui doit faire type
ces nourritures
et la saveur des voix et prononciations
pas de nostalgie n’ayant pas connu, un désir
un très joli paysage et des souvenirs si doux – merci à vous Brigitte