Le sentiment du brouillard entre soi et les choses, se lever un matin et voir le brouillard qui est tombé la nuit, envahissant tout alentour, autour de soi et des choses, le sentiment du brouillard envahissant le réel, l’atténuant, l’éloignant, le dissimulant même, ne pas savoir quand il va se lever, lui, le brouillard, avoir passé une semaine hors du monde, hors du réel peut-être, repartir avec le sentiment du brouillard comme un no man’s land, une zone tampon, devoir la traverser, ne pas savoir combien de temps cela va prendre, se demander ce qu’il y a de l’autre côté, les choses seront-elles restées inchangées, appeler le réel les choses, les choses c’est tangible, on croit qu’on peut s’y raccrocher, le réel ça l’est moins, c’est nébuleux, le sentiment du brouillard qui couvre les choses, les enveloppe, le sentiment de ne pas les voir, comme quand on enlève ses lunettes de myope, le sentiment que le brouillard est plus dense que la brume, le sentiment du brouillard qui se change en brume, le sentiment du brouillard comme quelque chose de lourd, de poisseux, quelque chose qui colle à la peau, transperce les vêtements, pénètre à l’intérieur du corps, englue le cerveau, bouche la vue, le sentiment du brouillard qui ralentit, le sentiment d’être ailleurs, pas encore revenu, le sentiment de la brume, de la douceur de la brume, légère, douce, diaphane, tremblante, le sentiment que le jour paraît au travers de la brume, le sentiment qu’elle se lève, la brume, s’ouvre, que la route est claire, le sentiment qu’il fallait en passer par là, par le brouillard et la brume, par le sentiment qu’ils diffusent, pour à nouveau voir la lumière.