Le sentiment de la faim, le sentiment du sucre, de la noisette, le sentiment du cru, de ce qui croque, qui croustille et qui craque, le sentiment de la morsure, de la mâchoire qui broie, des glandes salivaires, de la crue, c’est que l’objet n’est pas pensé, pas présent, c’est qu’il est goûté, c’est qu’il est remémoré, c’est qu’il est anticipé, le sentiment de la faim, l’appétit et les repas passés, le souvenir moucheté de goûts et de couleurs, de la mastication, de ce qui s’écoule, le sentiment gouleyant de la matière dense, du trop plein, le sentiment du mouvement, de l’aspiration, c’est avant le corps repu, le sentiment de l’attente, de ce qui est trop grand, de ce qui dépasse, de ce qui sera mis en morceau, traversé, mordu, digéré, le sentiment de ce qui se dissout lentement, des sucs, des convulsions lentes, du remuement de l’estomac, des ruminations invisibles, le sentiment des membranes et de ce qui les traverse, des échanges chimiques, le sentiment des possibles, du matin, de la journée qui vient, de la parole contenue, de ce qui se prépare, de ce qui s’élance, le sentiment du chat, le corps tordu et le cul en arrière, le sentiment de la faim, le grouillement rond, la perception diffuse de ce qui n’est pas encore, de ce qui s’annonce, de la route qui s’étend et puis qui va vers loin sous le soleil chaud.
Me vient une fringale à te lire, Marion
Physiologie presque animale, qu’on aurait pu pousser plus loin encore, j’aime beaucoup.