©photo Juliette Derimay
Paloma regarde le vent agiter les feuilles des arbres. Elle est en vacances et le matin, elle prend le temps de regarder par la fenêtre avant même de penser au café. Elle vient de se lever, ses pensées sont encore calmes et fraiches, neutres, prêtes pour accepter la journée comme elle vient. Les feuilles s’agitent doucement. Les mouvements diffèrent suivant la forme des feuilles, la longueur de la tige qui les rattache à la branche, leur hauteur par rapport au sol et surtout, la flexibilité de la branche sur laquelle elles sont attachées. Elles ne reflètent pas toutes la lumière de la même manière, suivant qu’elle se pose sur leur dessus ou leur dessous. Pas la même couleur et pas la même texture au-dessus et en dessous. Quand un oiseau se pose, son poids sur la branche a le même effet sur le mouvement des feuilles qu’une rafale de vent qui serait extrêmement précise et localisée. Le souffle du vent est comme une grande rivière qui emmène toutes les feuilles dans le même sens, dans la même direction. Elles partent, légères, mais sont vite retenues par la branche à laquelle elles ont attachées, où elles sont nées, où elles ont grandi, où elles habitent. Alors elles oscillent entre départ et retour, départ et retour, départ et retour. Elles pendulent. Parfois elles se tordent, se tortillent. Paloma imagine que par un vent plus fort elles peuvent se détacher, s’enfuir, se perdre. Une feuille arrachée ou enfin libérée de son arbre pour aller vivre ailleurs, faire bouture un peu plus loin, construire sa vie à elle. Ou juste voir le monde avant la fin si proche de leur vie qui ne dure qu’une saison unique. Après avoir hésité si longtemps, partir, revenir, être rattrapée par la famille, retour au bercail, fil à la patte. Se laisser emporter par le vent qui emmène, par celui qui transporte, une histoire de confiance, la feuille quitte le feuillage, sa grande famille d’avant où elle se sent quelconque, si mal considérée dans la grande foule des autres. On lui aura sans doute exposé les dangers de suivre ainsi le premier souffle venu, mais qu’importe, elle tente, elle y va. Elle part. Elle se laisse emporter. Quitte à en mourir, de ne pas savoir se débrouiller seule, de dépendre encore tant de la sève familiale, mais même si elle en meurt, elle aura vu le monde. Avec peut-être au bout, pourquoi pas la bouture, faire ses racines à elle… Finir dans un herbier pour toute l’éternité. Rêve de feuille. Rêve de Paloma qui se rêve en feuille