#anthologie #20 l Photo de baptême

Je n’ai aucune photo de toi. Ton album est perdu. Il ne reste aucune trace de toi. Tu es mort une deuxième fois. Nous ne retrouvons plus la photo où tante Nicole se tient droite aux côtés de notre mère plus petite et menue qui te tient dans ses bras, toi dont on discerne à peine le visage. J’aurais plus Continuer la lecture#anthologie #20 l Photo de baptême

#anthologie #21 | la classe morte et 14 notes

(A) c’est une photographie de groupe. Tu te trouves au dernier rang comme sont les grands :  « W. mais il a une tête en trop »dira cinquante-cinq ans plus tard ce médecin Polonais (1) dans le documentaire. (2) Cette photographie je l’ai toujours connue, elle dépassait (3) de la poche intérieure de la mallette (4) que tu trimbalais avec toi dans les Continuer la lecture#anthologie #21 | la classe morte et 14 notes

#anthologie #18 | du grain dans la machine

bébé dans le ventregrâce à l’intelligence artificielle, vous pouvez découvrir avant sa naissance la tête qu’aura votre enfant à l’âge adulte – impossible en revanche de savoir s’il sera aussi con que son époque réussir sa photo d’identité certifiée conformepositionnez la hauteur du siège pour que les yeux rentrent dans les orifices prévus à cet effet, une fois en place, Continuer la lecture#anthologie #18 | du grain dans la machine

#anthologie #16 | le point invisible

Ce n’est plus qu’un filet rauque, une difficulté en soi, monotone, comme si les aspérités de la gorge après les heures de tension empêchaient son passage, ternissaient la voix. Ce qui sort par à-coups d’un accent monocorde, une voix qui finit par s’effondrer. Elle s’est redressée dans le lit, elle soupire souvent ce qui lui reste d’énergie, mais elle continue Continuer la lecture#anthologie #16 | le point invisible

#anthologie #09 | sur un papier brouillon

dans le rêve qui remontait à plusieurs années, la lumière était encore différente, elle ne venait ni de l’avant ni de l’arrière, elle se diffusait non pas des nuages entre lesquels je flottais dans le grand tee-shirt illustré qui me servait de chemise de nuit, j’avais quinze ans peut-être quand j’ai fait ce rêve, la lumière passait comme à travers une toile de tente, elle ressemblait à celle d’un écran de radioscopie, elle ne venait de nulle part, je flottais et j’étais morte, Continuer la lecture#anthologie #09 | sur un papier brouillon

#anthologie #10  | triangle

Il porte le prénom d’un dictateur dont la dépouille sera exposée, pendue par les pieds, sur une place de Milan. Il est vendeur de tissu à Paris après la guerre. Il offre à sa jeune sœur un coupon de tweed pour y coudre le costume de mariage de mon père. Il est né en Italie, dans un village qui porte Continuer la lecture#anthologie #10  | triangle

#anthologie #09 | fil

Je n’ai pas fait de nœud au fil, je n’ai pas coupé le fil, je n’ai pas rangé le fil, je n’ai même pas rembobiné le fil, je ne l’ai ni suivi conservé ou tenu, parce que ça aurait été la marque d’une distance ou bien d’une exigence, ou d’un surplomb, comme l’idée de poser ses conditions, je ne pose Continuer la lecture#anthologie #09 | fil

#anthologie #5 | vers soi

Il se tient à l’écart de lui-même. Lui-même ne se souvient pas de sa naissance. Si près de sa mort, n’est plus sûr non plus d’être l’ancien vivant. Si longtemps loin de lui, sa parole hors de lui, les mots perdus, inaudibles. Des années. Si longtemps, loin de lui. Je t’ai suivi longtemps. Tu courais dans la vie et je Continuer la lecture#anthologie #5 | vers soi

#anthologie #02 | une petite fille dans un cadre vert

Son bras droit, main ouverte, pend mollement le long du fauteuil vert bronze, sa tête a glissé sur le côté gauche dans l’axe de l’applique en terre posée à l’angle de la pièce ; tout son corps emplit l’espace par le seul ronflement régulier qui en émane, lent moteur chahuté parfois par une entrée d’air intempestive ; dans la lumière Continuer la lecture#anthologie #02 | une petite fille dans un cadre vert

#anthologie #prologue | Peter Handke, je suis venu au monde

J’avais le corps d’un enfant de six mois. J’étais déjà venu au monde une fois. Ce corps était dans un couffin. Ce couffin était posé sur une table. J’ai senti le froid de la distance d’avec l’autre corps de la pièce. L’autre corps de la pièce était posé sur le bord d’une fenêtre. J’ai hurlé. J’ai cru que la distance Continuer la lecture#anthologie #prologue | Peter Handke, je suis venu au monde