#L11 Ceci n’est pas une grange

Non pas la grange telle qu’elle fut, non pas le char de paille qu’on décharge dans la chaleur de l’été le corps suant sous le toit sombre, non pas l’entassement vertigineux des bottes de foin, pas question de perdre le moindre centimètre, les poser en quinconce pour éviter l’effondrement, non pas les bottes de foin puis de regain, non pas Continuer la lecture#L11 Ceci n’est pas une grange

#P12 | Joyeux anniversaire

1. Un bref instant de lumière, une étincelle. 2. Le temps immobile et confus. Les anecdotes disparaissent peu à peu, il ne me reste plus que les photographies pour tenter d’en retrouver la trace, d’en dresser la carte, avec un léger écart, ce qu’on appelle écrire. 3. Comme tout le monde, je n’ai aucun souvenir précis des premières années de Continuer la lecture#P12 | Joyeux anniversaire

#P11 | avec toi dans la nuit

Montagne. Durant tout le jour, la lumière blanche, la chaleur impitoyable avaient exaspéré le ciel, le bleu n’existait plus. La main posée sur la tête du robinet elle laisse couler un mince filet d’eau dans le lavabo pour stimuler la fillette, mais la présence de sa grand-mère dont elle sent toute l’attention dans l’intimité de la salle de bain tétanise Continuer la lecture#P11 | avec toi dans la nuit

#L10 | la passerelle

De la passerelle, aspirer l’air chargé d’herbe tiède, sel, kérosène. C’est comme une vague trop haute, lourde et abrupte, de la pointe des orteils jusqu’au cœur, cette première fois dont elle ne peut se souvenir vient faire rougir son front, d’où lui vient cette image, une famille, un couple, trois enfants — sa famille — en haut de la passerelle ? Continuer la lecture#L10 | la passerelle

#P10 Une douleur d’enfant

L’enfant en rentrant se précipite vers la cage. Son cœur bat si vite qu’elle le sent comme s’envoler. Et puis la cage vide, elle laisse échapper un cri. Il est parti. Elle le répète deux ou trois fois sans que la mère y prête attention. Négliger ce qu’elle considère comme de la sensiblerie, elle se dit que c’est ce qu’elle Continuer la lecture#P10 Une douleur d’enfant

hors-série #2 | l’absence

Tu attends qu’ils sortent, une course en ville, une partie de bridge, parfois un dîner, tu tends l’oreille, guettes le bruit régulier du moteur qui s’éloigne, assurée que la deux chevaux a bien franchi la nationale, tu te laisses choir sur le divan, avec l’intention ferme de ne pas bouger, bras écartés yeux ouverts jambes pendantes, clouée par le vide, Continuer la lecturehors-série #2 | l’absence

#P8 Je ne m’attendais pas à toi

Je ne m’attendais pas à toi. Comment s’est pris ce rendez-vous ? Toi et moi, en dehors des normes temporelles et spatiales vingt ans après ta mort ? Qui a appelé qui ? Tu n’as pas demandé à me rencontrer à l’occasion d’une faveur que t’aurait accordée l’autre monde, je n’ai pas fait tourner les tables ni ne me suis mise en quête Continuer la lecture#P8 Je ne m’attendais pas à toi

#P8 | Elle est signée de ton nom

Tu es la cadette du microcosme, longtemps. C’est ce qui fait ta singularité. Tu as le sentiment qu’une ligne est tracée. Qu’il est possible de s’en éloigner pour quelques pas, puis d’y revenir. De toute façon tu le sais bien, on t’appellera. Les regards toujours se tournent vers toi. Minuscule, tu fais tes premières nuits dans un lit bateau. Dans Continuer la lecture#P8 | Elle est signée de ton nom

#4 Sentimenthèque : lire où souffrir

Avant d’écrire, d’abord, lire où souffrir.Rêver n’être que mystère, justicière masquée la nuit. Double vie.Rêver n’être que désir, quand le saphir se pose sur le vinyle, les toilettes très loin au bout du couloir qui annoncent la solitude à deux quand, bientôt, on ne s’aimera plus.Caresser l’idée de n’être plus que chienne, dans la liesse de la laisse, attachée à Continuer la lecture#4 Sentimenthèque : lire où souffrir

#P4 | Tu comprendras, plus tard

Alors que tu poursuis les détours d’une route qui n’en finit pas, la parole est suspendue, frappe l’arrêt brutal : tu comprendras plus tard. Répétition plus calme. Tu comprendras, plus tard. La parole est alors interdite. Aucune répartie possible. Dire pour empêcher l’autre. Sonne comme une insulte, comme une claque. Plus tard, c’est quand ? Ne fait pas l’imbécile, tu as très Continuer la lecture#P4 | Tu comprendras, plus tard