Pierre ramassée dans le lit de Loire, au lieu-dit Le Port. En août le fleuve a déserté les berges. Lit de pierres atteste de la vigueur des courants, la violence des chocs à la fonte des neiges. Loire prend sa source au Mont Gerbier de Jonc. Son cours peu navigable, les pierres ne s’en soucient guère.
Mate sur une face et rugueuse au toucher. Sédiments tirant vers le blanc contrastent avec l’autre face, plane & luisante, d’un jaune orangé, qui rappelle la limace après la pluie. Mais dans la main, pierre inerte & dense, résultat de concrétions dont on remarque les stries, les veinures rougeâtres et grises, tel un tracé rupestre.
En attente de taille pour être biface, la pierre dans ma main se dresse, phallus plat derrière esquisse de visage avec arête centrale et coulée blanchâtre sur bord gauche. Profil érodé, trace de globe oculaire côté droit. Entre règne animal & règne humain, le monstre.
Pierre-totem sur ma table initie l’acte d’écrire sur la pierre, maintenant dans ma main. Entre les rides des stries, lignes d’impacts s’apparentent à l’écriture cunéiforme. La Nature nous guide dans l’art des signes. Grâce à la stratigraphie, on distingue les époques et lit le temps dans les couches de la Terre.
Les éléments ont sculpté la pierre ramassée dans le lit de Loire. Sa couleur, son poids ont arrêté ton choix. Tu l’as glissée dans ta poche. Vestige du voyage de retour sur un territoire sensible. Loire en son lit fait une fente, le temps se déplie dans l’étendue. Ce biface inachevé, jour après jour plus vivant dans la main, unit la statuaire paléolithique au balbutiant cunéiforme.