Marguerite avance sur un chemin de pierre. Les cheveux noués, bruns, cachés dans un chapeau en feutre brun. Aujourd’hui encore, pour se rendre à Argenton, il n’y a pas d’autre solution. Il faut y aller à pied. Quitter Annot en passant derrière le village, prendre le sentier qui s’éloigne de la voie ferrée, puis monter à travers les grès, les bouleaux et les châtaigniers. Grimper. Les yeux rivés sur la pente. Ne pas se décourager.
Sur ses joues, elle porte la tiédeur des baisers de sa mère, dans ses yeux, l’image de son père. La dernière, celle où il se tenait en retrait, l’air grave sous son chapeau, ne sachant s’il devait être fier ou triste de voir partir sa fille.
Le sac pèse sur son épaule. Elle ne charrie pas grand-chose pourtant. Juste de quoi tenir les mois qui prépareront l’hiver : deux robes en grosse toile, un gilet, une blouse de travail, quelques sous-vêtements de coton, des chaussettes que sa mère lui a tricotées. Le plus lourd, ce sont les livres, les ouvrages de grammaire, les manuels de dictées et d’arithmétique, et puis les cahiers aux lignes vierges qu’elle remplira pour ses élèves jusqu’à Noël. Son écriture ronde, appliquée, penchée vers l’avant glisse déjà sur les carreaux Sieyès. Elle a 18 ans. La vie qui commence, Marguerite.
Contente de cette rencontre avec Marguerite…