Les sols sont une page, voyez Gilliatt qui y lit dans la neige son propre nom écrit par la belle Déruchette, et les sols que nous parcourons sont les pages du livre de notre vie, sentiers du Ladakh, sable du Sénégal, jungle de Guyane, les sols posent la question de la trace, neige des Alpes, dans laquelle ma grand-mère a écrit mon nom à ma naissance, et dans laquelle ma femme à écrit celui de notre fille, les sols sont parole, y germe l’avenir, Zola le dit à la fin de Germinal, sol dans lequel j’ai inhumé mon père, sol qui m’attend, et donc c’est d’une certaine manière logique que je me tourne vers les sols, mais ceux de la musique, le sol majeur de Sitting on the dock of the bay, le sol de Neil Young qui reprend Blowing in the wind sur l’album Weld, l’harmonica diatonique en sol pour jouer des blues, passant du sol sous mes pieds au sol sous mes doigts, sur le manche de la guitare, ce beau barré en troisième case, ces cordes à vide, et les sols mineurs de Money for nothing, Smoke on the water et Summertime de Janis Joplin, Still loving you, je t’aime encore, papa, et j’écoute dans le vent qui traverse l’harmonica l’écho de ton dernier souffle, mes pieds bien campés sur le sol, tu te souviens, cet hiver dans les Alpes, je t’avais aidé à fixer les chaînes sur les pneus de la voiture, pour qu’ils accrochent le sol gelé, et les arpèges de sol que je joue sur ma guitare sont bien plus froids que quand tu les écoutais, mais je m’y accroche, je les fais résonner, son saturé, bottleneck en open de sol, pédale wah-wah posée sur le sol, tu ne les entends plus, et je préfère les accords mineurs aux majeurs, leur tierce, le sol qui est celle du mi mineur, et quand je joue en mi mineur je vais chercher les sols, les tierces mineures, le sol grave en troisième case et le sol aigu en quinzième case, et bend, hammer, pull-of, quitter le sol et le retrouver, le faire sonner et le quitter à nouveau, tu te trouves sous ce sol que je joue, je joue ce sol car sous lui tu reposes.
Superbe !
Merci