Sur le lit. Face à la fenêtre. Sur la petite console, sont posés deux gros morceaux de bois. Deux espèces de chevilles géantes, massives et lourdes. Je ne sais pas à quoi elles servent. Le rideau est coincé derrière la petite console de sorte à ne pas gêner l’entrée de la lumière dans la pièce. La chambre donne sur la rue. De là s’entremêlent les toits aux tuiles brunes, aux lignes irrégulières. La rue du village est peu passante. Quelques voitures, des chiens qui aboient au loin, des cris d’enfants. Le temps est curieusement automnal. La silhouette de l’arbre mort se détache nettement dans le ciel.
Seule dans la chambre. Atmosphère délaissée. Un panier débordant de linge attend. De grandes fissures au plafond, peinture gondolée. L’ensemble des meubles est mal positionné. Les ouvertures (portes, tiroirs) sont empêchées, les assises sont saturées de piles de coussins, de couvertures et de draps. Le plus curieux c’est cette horloge arrêtée. Elle est suspendue au rebord du cadre d’un tableau si bien qu’on ne voit pas ce que représente le tableau. Il ne sert qu’à suspendre cette horloge faussement vieille. A quoi bon cette organisation puisque l’horloge est arrêtée ? La grande armoire de chez Ikea me fait le même effet qu’ailleurs, j’essaie d’ignorer sa présence, mais elle est massivement présente, indubitablement moche, toute de plastique et de mélaminé, à moitié transparente elle ne joue même pas son rôle d’épurer l’espace. Les affaires sont mi présentes mi rangées, une solution pas du tout convaincante. La chambre est dans un abandon relatif. Pas entièrement délaissée pour bénéficier de couches de poussière décénnales et du cachet « saveur d’antan », pas de fantôme qui s’attarde, aucun souvenir hormis cette petite toile : une vierge à l’enfant jaunie et craquelée, très kitsch mais charmante avec ses personnages aux yeux liquoreux et au sourire béat. Dommage qu’elle soit cachée par une énorme lampe et qu’il faille se tordre le cou pour l’apercevoir. La chambre n’est pas non plus habitée. Personne n’y habite. Personne n’y laisse d’indice ou ne tente d’y cacher quoi que ce soit. Ce n’est pas non plus une chambre d’ami. C’est une pièce utilitaire où personne ne semble dormir à part quelque chat de temps en temps, témoins les poils accrochés aux textiles ou amoncelés sous le lit. Il y a seulement du passage ici. Un passage fatigué