Une parenthèse de vide
Un espace béant. Ne pas revoir le geste passé, la position du regard, le mouvement vif du poignet. Un effacement du temps. Ni confusion, ni fragment lointain. Le corps s’est mu de sa propre volonté pendant des minutes, frôlant l’heure pleine. La sensation d’avoir été abandonnée par soi-même, de ne plus avoir ressenti le réel. Mise à nue involontaire.
Un sentiment de flottement
Se voir marcher mille pas. Ne pas pouvoir lever ses mains, se rattraper. Vouloir les contraindre à rassembler corps et esprit et regarder, impuissante, la rue s’allonger. Se voir marcher encore mille pas. Ubiquité que l’on espère temporaire mais qui semble si définitive. Un vertige. La poitrine tressaute, le malaise l’enserre de la certitude de rester au-dessus, dans ce flottement de la dépossession. Rassembler ! Intérieur et extérieur ! Les pieds avancent l’un après l’autre, le mouvement est là, maîtrisé. Il faut maintenant trouver le fil, reformer le lien entre artères et neurones, le passage entre les chairs.
Les jambes en larmes
Une inspiration. Rapide. Sonore. Une inspiration par le nez, puis deux, trois, rapprochées. Comme une urgence à ravaler les larmes. Droite, toute droite, les pieds joints, les bras en liberté et les poings serrés. Une inspiration encore. Ne plus les compter. Trop d’air, trop de battements de cœur. Continuer encore, encore, inspirer, inspirer. Tout garder. Noyer les membres d’oxygène, asphyxier la douleur. Noyer le cerveau jusqu’à en perdre ses jambes.
Désarticulation circulaire
Entendre la menace gronder. Lever les genoux lourds de fatigue et ne pouvoir résister. Les membres errent dans un remous insaisissable. La salure s’empare des narines, de la bouche, des oreilles, les noie d’un roulement fracassant Le corps s’égare entre ciel et terre. La pesanteur s’échappe de l’esprit. Disloquement fugace ralenti par la peur.