Lors d’un mariage en Mayenne, dans le coffre d’une 807 break, les sièges arrière repliés, enroulé dans une nappe rêche mais étonnamment chaude. Nuit acide, réveillé par mon œsophage, pourquoi personne n’a ri quand j’ai raconté que j’avais dormi dans une nappe ?
Chez ma grand-mère, rue Stéphane Servant, avec ma grande sœur. Des couvres-lits en velours verts, des petits objets en céramique déposées sur les boiseries le long des murs, la caresse sur la joue avant de nous embrasser. Et ce souvenir plus que suspect : moi, dans un lit à baldaquin au milieu de la pièce.
Dans notre chambre, avec les chats entre nous deux et mon fils endormi sur moi, la tête dans le creux de mon cou. Il a encore son odeur laiteuse et sa peau de satin, et pour une fois, il dort avec nous sans se comporter comme une pieuvre ivre qui cherche ses clés.
Sur un banc avec Aurélien, entre Montlouis et Amboise, il fait tellement froid et humide que j’ai l’impression que nous sommes au milieu de la Loire. Nous ne tenons pas longtemps et nous réveillons avec les oiseaux sous un ciel orange et gris
Dans le dortoir de l’école maternelle, je ne dors pas, il y a énormément d’enfants endormis autour de moi que j’aperçois grâce au mince filet de lumière qui passe par la porte entrouverte. Respirations profondes et régulières, odeurs des doudous baveux ; ceux des autres, moi, je n’en ai pas.
Un genre de dortoir avec des murs gris, une demi-douzaine d’immenses lits superposés, une odeur de béton froid, un robinet qui goutte, des gens qui dorment. Un minuscule couloir très sombre et très dangereux, avec la porte qui s’ouvre sur des escaliers. Je m’y vois avec A., A. me dit que ce ne devait pas être elle…
À Vaux-sur-mer, le lit des grands-parents d’A., au milieu de la chambre rose, avec les photos de famille, les urnes funéraires, et le grand-père qui me regarde toutes les nuits en se demandant qui est l’empaffé de glandeur qui s’est reproduit avec sa fille et va profiter du trésor familial.
Chez mes autres grands-parents, une nuit de Noël, couché le premier parce que je suis le plus petit, agitation, nervosité, attente du père Noël, incapable de dormir. Bizarrement, j’ai l’impression d’être à la fois spectateur et acteur de ce souvenir-là.
Au cinéma, au théâtre, plusieurs fois, à Paris, à Avignon. Une fois même alors que j’adorais le spectacle. Je somnole un bon moment, me réveille, et ouf ! La pièce n’est pas finie. Dommage, il est impossible de s’endormir à la Comédie Française.
Au boulot, une micro-sieste, pas faite exprès.
Mon premier souvenir je crois, dans mon lit à barreau que j’imagine comme un ring de boxe à cause d’une publicité pour petits suisses, les Petits Musclés. Ici aussi, un rai de lumière pénètre par l’embrasure de la porte, je crois entendre ma sœur et ma mère.
Dans des hôtels Formule 1, indissociables les uns des autres, dans des zones industrielles, indissociables les unes des autres, comme les devantures, les halls d’entrée, les parkings, les salles de petit déjeuner.
Sur un matelas deux places mal gonflé, au milieu d’un salon, où je constate qu’il difficile de dormir en apesanteur, que ma tête est plus lourde que le reste de mon corps. Guillaume, à côté de moi, pas du tout dérangé, ronfle et flatule.
Très bonne idée, cette somme d’insomnies !
Merci beaucoup! Je me rends compte qu’effectivement, j’ai moins de souvenir quand les nuits sont bonnes…