Le centre c’est un trou. On va s’en approcher d’où que l’on vienne. Le Hareng arrive, effilé, long, dans son Audi noir coupée, des tatouages dans le cou, il entre, il ressort. Un quart d’heure plus tard, il revient. Une fois sur deux, où que l’on aille, à quelque heure que ce soit, on le croise, ou bien il est devant, ou bien il est derrière, il revient au bar. Je pourrais en faire la liste de tous ceux que l’on voit dans la rue, sur la place, ils y vont, ils reviennent. Tard, marchant au milieu de la rue, la voix abaissée, plus grave, le rire un peu trop facile, la droite du cheminement n’est plus parfaite, on le devine avant de le voir. Parfois aussi il y a des cris, des cris de colère, on hurle contre le monde, dans la rue vide. Les enfants. Les vieux qui gardent leur voiture et qui vont s’asseoir. Ceux vus chez le fruitier, au supermarché, à la sortie de l’école. Ceux que l’on voit jamais ailleurs. On les revoit, ils sont côte à côte, juxtaposés, ils se parlent l’un l’autre. Avant ce n’étaient que des points isolés, séparés. Ils sont ensemble. On passe devant eux, forcément, pour repartir, remonter, ressortir du village. Même si on reprend la grande route, la voie consulaire vers la capitale, on est passé là, là devant le bar, avec ses salles fermées, le deux autres étages de l’immeuble, la longue terrasse qui en est le toit, puis les autres immeubles accolés, formant une colonne, un long navire coulé dans le sol enfoncé dans la colline, et il y aura des grottes s’enfonçant dans le tuf.