Ils sont revenus. Qui. Les chardonnerets. Ils mangent salement. De bon appétit. Ils crachent en mangeant. D’un même bec fendent, absorbent l’amande et recrachent l’enveloppe. Tas d’écorces noires qui grossit sous les mangeoires. Comme les singes avec les cacahuètes. Ils se battent aussi. Chassent les mésanges. Chassent leurs congénères. Ils sont beaux, rouge, jaune , noir, blanc. Un peu maigres cette année. Ils ne chantent pas, ils mangent. Virevoltent. Se posent sur les branches du cognassier. Attendent sur le rosier. Partent. Reviennent. Chient en attendant comme les poules quand elles se perchent sur les branches. Tous partis. Le chat. Installé sur la poutre qui supporte les mangeoires. Indifférent. Débonnaire. Yeux clos. Roux. Gros. Il attend. Longtemps. Puis se lasse. Et repart. Sans hâte. Sur la poutre. Puis sous la glycine pour rejoindre le pilier. Lentement. Prudent mais sûr. Saute et rentre. Ils reviennent. Qui. Les chardonnerets.
Lire. Parfois des envies en pagaille. Ne pas savoir par lequel commencer. Détester lire deux livres en même temps. S’y contraindre parfois sachant que le bon résistera au facile. Qu’on pourra y revenir. Que ce n’est pas tant l’histoire qui retient que la finesse des perceptions. Essayer de lire les vagues en même temps dans deux traductions, celle de Yourcenar et celle de Wajbrot. Yourcenar pour comprendre plus vite Louis, Bernard et Neville, Susan, Rhoda et Jinny. Rester sur Wajbrot pour le plaisir. Essayer de percevoir. Tenter d’approcher ce qui alourdit, ce qui rend subtil. Fatiguer. Prendre Un américain bien tranquille pour compléter la documentation sur l’Indochine coloniale.
Nouvel affichage sur le terrain à construire. Le troisième. Le terrain constructible, autrefois en vigne, d’un vieil agriculteur du village dont l’héritier habite désormais à L.Tout est écrit sur les panneaux d’affichage. Le premier avec accord tacite pour trois maisons d’habitation sur 3027 m2 (599 m2 de plancher). Le second avec accord. Le troisième pour des bénéficiaires différents avec un nouveau géomètre. Pas celui du village. Recours des voisins limitrophes abandonné. Ce n’est pas écrit, mais ça s’est su. Ce sont d’autres voisins les nouveaux bénéficiaires. Des jeunes, assez récemment installés. Recherche Google : il est directeur financier d’une société européenne Medical Care quelque chose et champion de concours complet d’équitation (12e place). Elle a sa propre entreprise de consultance. Services aux entreprises, le secteur qui monte. Que des voisins jeunes et riches qui se mettent à l’immobilier. Viendront-ils à la fête du village.
Promeneurs de chiens. Des jeunes, des vieux, les chiens et les promeneurs. Tous en laisse, les chiens. Tous ayant choisi le harnais à la place du collier, les maîtres. Parfois le manteau pour les chiens, mais c’est plus rare. On parle du chien. C’est l’année des S. Sam, Sasha, Switch, Snoopy… Vous le faites éduquer ? On se passe les adresses. On compare les services. Une heure par semaine. Un flyer dans la boite aux lettres « éducation canine, naturopathie, promenades et bien plus ». Services à la personne, le secteur qui monte. Viendra-t-il à la fête du village.
Le soir si beau. Maisons dans la nuit. Lampadaires de rue. Lumières dans le brouillard. La nuit comme la neige gomme tout. Le sentiment de vivre dans un monde douillet. Bien tranquille. Il y a juste un an, Wuhan se confinait et construisait en une semaine un gigantesque hôpital sous les yeux du monde ébahi et un peu moqueur.
Je suis impressionnée Danièle
la dynamique d’ensemble, l’écoulement des phrases à la vitesse exacte de la mentalisation (images, ambiance, humour détecté, satire même) tout vient à point
c’est succulent
on est des lecteurs-chardonnerets
Oh ! merci Françoise, ton commentaire me fait du bien dans le vide de janvier. Ce texte est sorti d’une traite…alors que je me sens incapable d’aligner deux mots et que je doute terriblement. Sans doute janvier, le retour de ma fille au Canada après un mois passé en France, la pandémie qui continue et la dimension collective qui en pâtit, mon village qui se transforme et certaines lectures tellement fortes (Assia djebar, Kateb Yacine et Virginia Woolf…) qui font douter d’avoir qqch à faire avec l’écriture
j’aime ses blocs de réel. le concret des images. le tranchant du regard. (Un jour passe )
Merci Nathalie. Ne pas faire de phrases m’a aidée. J’ai l’impression d’avoir un esprit en compote, de mouliner à vide. C’est particulièrement utile dans ces moments là d’avoir des retours.
Il y a comme une pointe de nostalgie (en arrière fond) et comme une sorte de fatalisme teinté d’ironie dans l’évocation des chiens et de leurs maîtres, de l’immobilier, des chardonnerets et du chat placide, …
Ce samedi, l’authenticité d’une écriture.
Merci Louise de ta lecture. Oui il y a tout ça ( nostalgie pas trop, fatalisme non plus), une colère sourde pour ce que devient notre société et une envie que nous ouvrions les yeux sur ce monde tel que nous le laissons se faire .
Oui, une colère sourde mais bien présente. Effarés par ce qui est. Et ce qui arrive (si on laisse faire) est effrayant.
Effrayant, peu documenté par les statisticiens… écrire et photographier pour essayer d en rendre compte.
« La nuit comme la neige gomme tout »
cette phrase résonne pour moi après toute cette lecture et l’image me suffit…
merci Danièle
Merci Françoise. Une image qui me semble tellement évidente, contente qu elle te parle.
j’ai eu les mêmes questions – je les ai résolues (enfin ?) avec des verbes – je me suis demandé pour les phrases comme on dit (sujet/verbe/complément comme en huitième) – (tu as des manières de brut(e)) – est-ce qu’on écrit juste pour écrire ? pas seulement – j’aime bien avancer en te sachant là (merci à toi donc)
Moi aussi j aime bien avancer en te sachant là. Francois Bon nous conduit à » bosser stylistiquement » et c est cela qui m intéresse : casser mes vieilles pratiques. Est-ce que j ecris pour écrire ? Plutôt pour comprendre, pour imprimer ( et moins exprimer). Bon j emprunte à des posts de Chloé Delaume et de Catherine Mavrikakis lu entre hier et ce matin. FB a parfois du bon.