Dans nos tasses de thé il y aura toujours beaucoup plus que du thé; il y a nos visages apeurés et aimants.
1. sachet de thé > papier > enveloppe > infusion > histoire de Bodhidharma > partout pareil pas pareil > noms > Rosette Red Rose > visages > rituels réconfort > amer comme la vie > fort comme l’amour > doux comme la mort.
2. Petit sachet en papier comme une page ou une interface infusée à décrypter. Objet délicat, peut être en soie, fermé, cacheté, mais translucide, une mousseline repliée sur un vrac, une enveloppe diaphane pliée brochée, un origami botanique ou alimentaire, élémentaire. Et pourtant c’est un objet usiné (comme il peut être artisanal). À l’intérieur : des feuilles séchées, passées de mains en mains. Cueillette > flétrissage > dessication > roulage > séchage > tamisage. La préparation du thé diffère d’un pays à l’autre, mais dans tous les cas l’eau et la chaleur sont présentes. La chaleur et l’eau permettent aux feuilles de gonfler et de dégourdir leurs saveurs. Il y a le buveur immobile devant le thé en mouvement, les feuilles passées de mains en mains. À l’origine, la légende de Bodhidharma : on dit que le moine avait fait vœu de ne pas dormir. Après plusieurs années passées à méditer, Bodhidharma se serait assoupi. À son réveil, furieux, il se coupe les paupières. Les paupières tombent au sol et font naitre le théier, dont les feuilles ressemblent à des paupières. La plante est reconnue pour stimuler l’attention et peut accompagner celui qui cherche l’éveil. Le thé pousse et est bu partout dans le monde, mais partout il n’est pas consommé de la même façon. Avec lait > sucre > citron > menthe > épices > fleurs. Les noms de thés font référence à des lieux (Darjeeling) ou portent des images et une poésie (Gunpowder, puits du dragon…). Il y avait Rosette qui buvait du thé Red Rose. Elle gardait toujours la poche de thé pour faire une seconde infusion. Les mains de Rosette n’ont pas cueilli le thé, mais elles ont cueilli des fraises des champs et des légumes de jardin. J’ai vu ma grand-mère Rosette boire le thé, j’ai bu le thé avec Ahmed et Chloé, je l’ai bu avec des inconnus parce que j’y étais invitée et qu’on ne refuse pas une invitation à boire le thé, j’ai vu les professeurs se cotiser pour acheter une boite de thé, j’ai bu du thé au travail pour me calmer. J’ai surtout bu du thé avec mon amie Sophie.
3. Petit sachet en papier *mais je n’ai pas parlé de la cordelette* comme une page ou une interface infusée à décrypter. Objet délicat, peut être en soie, fermé, cacheté, mais translucide, une mousseline repliée sur un vrac, une enveloppe diaphane pliée brochée, un origami botanique. *Chaque bout de papier plié me fait penser à Christèle, qui fait de l’origami, et le papier me ramène toujours à l’écriture, bien que j’écrive principalement sur écran. Explorer les sachets de tisane d’hibiscus conservés sur mon bureau pour voir comme le texte peut répondre à la matière et vice et versa.* Et pourtant c’est un objet qui peut être usiné ou artisanal. *Comme l’écriture* À l’intérieur : des feuilles séchées, passées de mains en mains. Il y a le buveur immobile devant le thé en mouvement, les feuilles passées de mains en mains *les mains, les mains. Ce buveur c’est Bodhidharma. Les paupières coupées* La chaleur et l’eau permettent aux feuilles de gonfler de dégourdir leurs saveurs. Il y avait Rosette *Rosette est toujours partout dans mon écriture, l’écriture me ramène toujours au même endroit et l’origine est une cuisine de campagne de grand-mère. Pourquoi avoir pris cet objet sinon pour revisiter cette cuisine, mais encore… rayer tout jusqu’à Sophie* qui buvait du thé Red Rose. Elle gardait toujours la poche de thé pour faire une seconde infusion. Les mains de Rosette n’ont pas cueilli le thé, mais elles ont cueilli des fraises des champs et des légumes de jardin. J’ai vu ma grand-mère Rosette boire le thé, j’ai bu le thé avec Ahmed et Chloé, je l’ai bu avec des inconnus parce que j’y étais invitée et qu’on ne refuse pas une invitation à boire le thé, j’ai vu les professeurs se cotiser pour acheter une boite de thé, j’ai bu du thé au travail pour me calmer. J’ai surtout bu du thé avec mon amie Sophie. *Ramener le lien entre thé et poésie. Le thé autour duquel se fait la rencontre. La cordelette qui nous relie pour éviter la noyade.* Or le thé permet « d’oublier les bruits du monde », disait Lu Yu. Chasser les frissons et trouver le silence. J’ai surtout bu du thé avec Sophie en parlant de maternité et de fin du monde. *Effacer le « je » le plus possible pour faire plus de place au « nous » et pour mise à distance.* Sophie a lu le livre de Servigne et d’autres l’ont lu dans l’urgence et je ne m’y résigne pas par peur du désespoir. Tellement d’énergie mise à trouver des moyens pour se calmer. Toute cette agitation extérieure et intérieure. Essayer de ne pas tomber dans l’anxiété chronique tout en demeurant lucide, malgré la morosité et les drapeaux rouges. Nous avons bu du thé au jasmin et il n’y avait pas de bruit, mais beaucoup d’amertume. *Sophie dit que nous aimons l’amertume et elle a bien raison. L’amertume au cœur du texte. Non pas de la rancœur, mais une tristesse mêlée de colère et de nostalgie. Faire ressortir la distance (même physique) entre les deux personnages et la beauté qui existe dans l’imperfection des individus, des situations, du monde (référence au kintsugi ou art de la résilience)* Nous aimons tout ce qui râpe le fond de la gorge, qui est imparfait et qui émeut d’humanité. Nous sommes toujours insatisfaites. Nous buvons du thé à notre image, nous ne le sucrons même pas, nous essayons de regarder la réalité en face sans trop l’éviter et sans trop de déni. Nous buvons du thé les yeux ouverts et des larmes coulent sur nos jours. Il y a la nounou qui place les enfants devant la télévision pour faire du ménage, les traitements de radiothérapie chaque jour pendant 8 semaines, l’éloignement et la distance avec les ami.e.s proches, des images d’enfants migrants noyés, la « laïcité » légalisée presque en même temps que l’usage de la marijuana, la mort assistée aux cases trop restrictives, le temps passé à espérer en faire plus tout en voulant en faire moins, la neuvième baleine qui s’échoue dans le Saint-Laurent. Nous buvons du thé les yeux ouverts et des larmes coulent sur nos jours et pendant le temps d’un thé le bruit devient murmure. On s’exerce à cultiver le silence et à rester calmes, mais ça prend du temps. Il y a les mains agiles qui fabriquent des jupes qui tournent, les langages inventés, les pierres dessinées, des maisons où s’établir, des parcelles de terre bien désherbées, des retours au bercail à vélo, des chants perpétuels et des voix humaines qui s’entremêlent. Entendre le thé qui se fait verser *faire filer le texte en fonction des différentes étapes de préparation et de dégustation du thé* > prendre la tasse > regarder son contenu > humer > goûter > déposer la tasse et respirer. *La lecture du moment : La vie dans nos forêts de Marie Darrieussecq. Histoire troublante, dystopie réaliste où les humains se font cloner pour avoir sous la main des pièces (partie du corps) de rechange. J’aime l’utilisation des commentaires entre parenthèses et en notes de bas de page. J’aime les associations d’idées et la progression de la narration.* Ce n’est pas une de ces belles tasses de fantaisies comme avait mon autre grand-mère, c’est un petit verre en céramique avec une inscription dessus. Le verre est fissuré, lorsque les morceaux se détacheront ils seront recollés. La tasse ne sera pas réparée avec de l’or comme on le fait avec la méthode du kintsugi, mais malgré cela, elle sera encore plus belle avec son zébrage et son costume d’abimée. Dans cette petite tasse de thé il y a les 6 sens. Autour de cette petite tasse de thé il y a tellement d’amour et de deuils.
4. Petit sachet en papier comme une page ou une interface infusée à décrypter. Objet délicat, peut être en soie, fermé, cacheté, mais translucide, une mousseline repliée sur un vrac, une enveloppe diaphane pliée brochée, un origami botanique. Je t’écris avec des feuilles de thé, des feuilles passées de mains en mains. La chaleur et l’eau permettent aux feuilles de gonfler de dégourdir leurs saveurs. Il y a le bruit du thé qu’on verse dans les verres. Le thé, le textes, les teintures et les textures autour desquels se font nos rencontres à distance. La cordelette qui nous relie pour éviter la noyade. Or le thé permet « d’oublier les bruits du monde », disait Lu Yu. Nous avons pris les tasses, regardé leur contenu, humé. J’ai bu du thé avec toi en parlant de maternité et de fin du monde. Tu lisais Pablo Servigne et ses écrits sur la collapsologie. Je lisais Comment ça pousse?, Qui veut sauver Myrtille la marmotte? et Les villes de papier. D’autres lisaient Servigne dans l’urgence et je ne m’y résigne pas par peur du désespoir. Nous avons bu du thé au jasmin et il n’y avait pas de bruit, mais beaucoup d’amertume. Nous goûtions l’amertume jusqu’à s’en faire un châle. Ce n’est pas une de ces belles tasses de fantaisies comme avait mon autre grand-mère, c’est un petit verre en céramique avec une inscription dessus : « déballer des biscuits chinois à s’en percer les doigts pour y trouver l’horizon ». Le verre est fissuré, lorsque les morceaux se détacheront ils seront recollés. La tasse ne sera pas réparée avec de l’or comme on le fait avec la méthode du kintsugi, mais malgré cela, elle sera encore plus belle avec son zébrage et son costume d’abimée. Tu dis que nous aimons l’amertume et tu as bien raison. L’amertume au cœur du texte. Non pas de la rancœur, mais une tristesse mêlée de colère et de nostalgie à cause de la distance. Nous aimons tout ce qui râpe le fond de la gorge, qui est imparfait et qui émeut d’humanité. Nous sommes toujours insatisfaites. Nous buvons du thé à notre image, nous ne le sucrons même pas, nous essayons de regarder la réalité en face sans trop l’éviter et sans trop tomber dans le déni. C’est pour cette raison que nous avons coupé nos paupières. Pour ne plus dormir jamais. Pour boire le thé les yeux ouverts avec des larmes qui coulent sur nos jours. Il y a la nounou qui place les enfants devant la télévision pour faire du ménage, les traitements de radiothérapie chaque jour pendant 8 semaines, l’éloignement, des images d’enfants migrants noyés, la « laïcité » légalisée presque en même temps que l’usage de la marijuana, la mort assistée aux cases trop restrictives, le temps passé à espérer en faire plus tout en voulant en faire moins, la neuvième baleine qui s’échoue dans le Saint-Laurent. Nous buvons du thé les yeux ouverts et des larmes coulent sur nos jours et pendant le temps d’un thé le bruit devient murmure. Nous déposons les tasses et respirons. On s’exerce à cultiver le silence et à rester calmes, mais ça prend du temps. Il y a les mains agiles qui fabriquent des jupes qui tournent, les langages inventés, les pierres dessinées, des maisons où s’établir, des parcelles de terre bien désherbées, des retours au bercail à vélo, des chants perpétuels et des voix humaines qui s’entremêlent. Je lis encore La vie dans nos forêt de Marie Darrieussecq. Histoire troublante, dystopie réaliste où les humains se font cloner pour avoir sous la main des pièces (partie du corps) de rechange. Autour de cette petite tasse de thé il y a tellement d’amour et de deuils.
5. Petit sachet en papier comme une page ou une interface infusée à décrypter. Je t’écris avec des feuilles de thé, des feuilles passées de mains en mains. La chaleur et l’eau permettent aux feuilles de gonfler de dégourdir les saveurs. Puis, il y a le bruit du thé qu’on verse dans les verres. Le thé, nos textes, nos teintures; autour desquels se font nos rencontres à distance. La cordelette qui nous relie pour éviter la noyade. Or le thé permet « d’oublier les bruits du monde », disait Lu Yu. Nous prenons les tasses, regardons leur contenu, humons. Je bois du thé avec toi en parlant de maternité et de fin du monde. Tu lis Pablo Servigne et ses écrits sur la collapsologie. Je lis Comment ça pousse?, Qui veut sauver Myrtille la marmotte? et Les villes de papier. Nous buvons du thé au jasmin et il n’y a pas de bruit, mais beaucoup d’amertume. Nous goûtons l’amertume jusqu’à s’en faire un châle. Et sur ton petit verre de céramique il y a l’inscription : « déballer des biscuits chinois à s’en percer les doigts pour y trouver l’horizon ». Le verre est fissuré, je me dis que lorsque les morceaux se détacheront je vais les recoller. La tasse ne sera pas réparée avec de l’or comme on le fait avec la méthode du kintsugi, mais malgré cela, elle sera encore plus belle avec son zébrage et son costume d’abimée. Tu dis toujours que nous aimons l’amertume et tu as bien raison. Non pas de la rancœur, mais une tristesse mêlée de colère et de nostalgie à cause de la distance et des drapeaux rouges qui poussent partout. Nous aimons tout ce qui râpe le fond de la gorge, qui est imparfait et qui émeut d’humanité. Nous sommes toujours insatisfaites. Nous buvons du thé à notre image, nous ne le sucrons pas, nous essayons de regarder la réalité en face et c’est pour cette raison que nous avons coupé nos paupières. Pour ne plus dormir jamais. Pour boire le thé les yeux ouverts avec des larmes qui coulent sur nos jours. Il y a la nounou qui place les enfants devant la télévision pour faire le ménage, les traitements de radiothérapie chaque jour pendant 8 semaines, des images d’enfants migrants noyés, le temps passé à espérer en faire plus tout en voulant en faire moins, la neuvième baleine qui s’échoue dans le Saint-Laurent. Nous buvons du thé les yeux ouverts et des larmes coulent sur nos genoux fatigués et pendant le temps d’un thé le bruit devient murmure. Nous déposons les tasses et respirons. Il y a les mains agiles qui fabriquent des jupes qui tournent, les langages inventés, les pierres dessinées, des maisons où s’établir, des parcelles de terre bien désherbées, des retours au bercail à vélo, des chants perpétuels et des voix humaines qui s’entremêlent. Je lis aussi La vie dans nos forêts de Marie Darrieussecq. Histoire troublante, dystopie réaliste où les humains se font cloner pour avoir sous la main des pièces (partie du corps) de rechange. Tu bois ton thé en même temps que moi sur un autre continent. Autour de nos petites tasses de thé il y a autant d’amour que de deuils.
Cette tasse de thé fissurée est le symbole d’une intimité revendiquée et partagée, qui traverse mon écriture et la cantonne souvent à des carnets, perpétuels chantiers, et à des publications en ligne écrites toujours à la fois dans l’urgence, la spontanéité et l’inachevé. J’écris par fragments, par petits bouts. Je n’ai pas cette chance de pouvoir être disciplinée et avoir une pratique d’écriture constante et quotidienne, parce que l’écriture sera toujours synonyme de temps volé, un geste qui s’étire sur l’oreiller, tandis que je peine à garder un œil ouvert et que ma main s’endort sur mon crayon. Peut-être qu’à la fin la seule écriture qui compte et qui est vraie est celle de nos correspondances.
https://www.youtube.com/watch?v=K6brDPh9ARM
Merci pour le partage. Je n’avais pas vu cette vidéo et je crois bien que c’est tout à fait ce sachet que je cherchais à travers l’écriture. 🙂