#boost #00 | S 23°31’23’’ – E 43°44’7’’

Ce n’est jamais compliqué d’expliquer où se trouve le bout du monde. On pourrait dire loin, très loin. Ça suffirait pour que chacun d’entre nous définisse son bout du monde, le bout de son monde. Loin, c’est l’ailleurs. Le bout du monde, c’est le bout de l’ailleurs. C’est juste une histoire de distance, même si le mot distance peut avoir plusieurs significations. J’ai un ami pour qui le bout du monde se trouve dans son grenier, le bout de son monde est une vieille malle remplie de lettres. Il ne m’a jamais expliqué pourquoi ces lettres. Il les a découvertes puis lues puis laissées tomber sur le sol poussiéreux. Il ne m’a jamais dit pourquoi ces lettres l’ont transporté si loin, au bout de l’ailleurs. J’imagine que c’est à cause de ce qu’elles contiennent.

Mon bout du monde à moi, il est loin. Je veux dire vraiment loin, à des milliers de kilomètres. C’est facile de vous expliquer où il se trouve : prenez une carte de Madagascar. Repérez le croisement du Tropique du Capricorne et de la côte ouest de l’île en face du Mozambique. Quand vous y êtes, suivez la côte vers le sud sur cinq kilomètres et vous arriverez à Sarodrano. C’est une petite maison posée sur la plage.

Sarodrano est un bout du monde, mais à première vue l’endroit n’a rien de remarquable. La maison est faite de planches de bois peintes en différents tons de vert. Sous le ciel bleu et le soleil brûlant, le vert intense de la façade se confond avec celui du grand cactus qui s’y adosse. Lorsque la chaleur est étouffante, le vert grisâtre du toit s’unit avec les nuages lourds qui l’engloutissent. La nuit, le vert pâle de la porte d’entrée éclairée par la lune flotte au-dessus du sable noir de la plage qui disparaît dans l’obscurité. 

Lorsqu’on en fait le tour, on a mal partout. Pas à cause des épines qui la protègent, on a mal partout parce qu’on a passé plus de vingt heures dans un taxi-brousse sur des routes défoncées entre Tananarive et Tulear et que de là, on a encore roulé une bonne heure en voiture avant d’arriver à Sarodrano. Si vous prenez l’avion ou si vous arrivez par la mer, il est probable que Sarodrano ne soit pas votre bout du monde. Moi, j’avais vraiment mal dans tout mon corps, mais j’ai quand même fait le tour de la maison pour coller une à une toutes les images qui se bousculaient dans ma tête. Je me suis finalement rendu compte qu’à Sarodrano, c’est la maison qui tourne autour de vous. 

C’est à ce genre de détail qu’on reconnaît un bout du monde.

A propos de JLuc Chovelon

Prof pendant une dizaine d'années, journaliste durant près de vingt ans, auteur d'une paire de livres, essais plutôt que romans. En pleine évolution vers un autre type d'écritures. Cheminement personnel, divagations exploratives, explorations divaguantes à l'ombre du triptyque humour-poésie-fantastique. Dans le désordre.

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