Chemin gravillonné, bordé sur son côté droit par un long bras de la rivière appelée « Serein », sur son côté gauche par un jardin ouvrier, une cour de ferme habitée par mon frère T, deux jardins potagers, le terrain de la famille Droin avec au milieu « La cabane » comme ils disent, un terrain en friche, une maison de plain pied habitée par ma tante C, un champs, trois habitations mitoyennes peu larges et d’un étage chacune. Au bout du chemin une sente qui part à gauche et à droite une grosse demeure appelée « Le moulin de Coignert » avec sa roue au repos ne servant plus, depuis un siècle déjà, à transformer le grain en farine, les noix en huile ou le chanvre en teille.
Peu de voitures sur ce chemin à part celles des habitants et la 2CV de Mr Moreau, la 4L de Mr Grateau: deux pêcheurs chevronnés. Tous les jours à heure fixe, un villageois et son chien en promenade, lui sur le chemin, l’animal dans l’eau nageant à ses côtés, avançant tous les deux, ensemble au même rythme. Des enfants, des adolescents à vélo, s’exerçant à différentes figures notamment la fameuse roue arrière. T’es cap’ d’aller jusqu’au moulin? T’es pas cap. Et je revois mon cousin E. énervé par ce défi offensant, pédalant à toute berzingue, levant la roue avant toujours plus haut, essayant coûte que coûte de maintenir sa vive allure et malheureusement partir en soleil pour se retrouver aplati par terre, tout écorché, éraflé par les gravillons,le dos et les coudes en sang. En moins d’une minute, il se relève les dents serrées, la bouche fermée, l’esquisse d’un sourire au bord des lèvres, même pas une larme sur les joues, même pas!
Chaude journée d’été, en pleine adolescence, rêveuse sur mon vélo, espérant voir arriver L. « En danseuse » debout sur les pédales, en zigzaguant, en chantonnant:Toi, toi mon toit/Toi, toi mon tout mon roi/ Toi, toi mon toit/ Toi, toi mon tout mon roi/ Prends un petit poisson/ Glisse-le entre mes jambes/ Il n’y a pas de raison/ Pour se tirer la langue.
Et soudain, le voilà, sur son vélo de course vert, torse nu, en slip de bain, la serviette autour du cou, pieds nus, sa touffe de cheveux noirs de jais, sa touffe bouclée, sa touffe ébouriffée, le couronne. Ça va? /Ça va et toi?/ Ça va, qu’est ce que tu fais? /Rien et toi? /Je te cherchais./ Ah bon? /Oui. Dans ma tête depuis des mois y’a que toi./ Ah bon?/ Dans mes rêves toutes les nuit y’a que toi./ Ah bon?/ Je te cherchais, fallait que je te vois/ Ah bon?. Moi, secouée, saboulée, paralysée, tétanisée, un disque rayé: Ah bon? Ah bon? Ah bon? Ah bon? Ah bon? Lui, calme, serein, souriant, décontracté, vif, alerte, résolu, joyeux.
Par pudeur, égoïsme, incapacité ou manque de temps, je ne décrirai pas l’instant qui suit: mon premier baiser sur la bouche avec la langue.
(Ma première galoche, mon premier patin).
Quelle belle ballade à la campagne, à la lecture de ton texte, une jolie séance à eu lieu dans mon cinéma intérieur. merci.
Chouette, merci Laurent.
Moi aussi, moi aussi, j’ai aimé – la première galoche !
Rigolo, j’avais écrit un premier texte là dessus et l’ai retiré car tout n’était pas au même lieu – Tant mieux, il y a le tien. Bonne soirée.
Ah ouais?! Alors chère Clarence, toutes les deux comme Christo on aime emballer !! 😉 Bonne fin de week-end