Regarde mes lèvres- dévoile-moi– descelle ma bouche- dévoile-moi – Au fond du sac, un gloss à la cire onctueuse et aux pigments chauds crépite sous la référence 738, Rouge Coco, Amuse Bouche, 34 euros, hors promotion. Le tube est long et lisse, angles saillants et transparence, une réminiscence chic de l’esprit Chanel. Un bouchon noir souligné d’un liseré d’or scelle le premier tiers du tube. Sur les deux autres tiers, l’acrylique fait loupe : la pâte brille, irise, claque. Au bout d’une fine tige blanche, un embout en mousse ressemble à un coton tige mais c’est du luxe, c’est CC, C’est Coco, C’est Chanel, Ce n’est donc pas un Coton tige, mais une affaire de marque. Le numéro 738, c’est moi, une clef, une contradiction. Dans le sac, le rose cerise tranche sur le rose dragée du masque à trois plis. Tube-papier, avantage papier, pas pour bouche, pour bouche, avantage Tube. Cet Amuse Bouche, je dis, est préférable à Rouge Coco Gloss, Bourgeoisie, 34 euros, hors promotion. Il est moins briqué, plus rose bonbon, il gonfle la chair, –donne meilleure mine- oui, mais sans audace, c’est un riz de lumière sur un gris de bouche –make up, wake up– il autorise la parole, il raille le muet et avec une peu d’obstination, il rembobinerait le magnéto –Qu’est-il arrivé à Baby Cat ? – attends, il n’est pas triste, il se la joue futile mais il peut être dangereux –si tu peins tes lèvres, tu peins pas tes yeux, c’est la bouche qui dit ou le regard qui parle- Il ne se mesure pas à l’arsenic des rouge à lèvres qui ont tué les Reines et les courtisanes, il ne mord pas, il fait le gloss, il fait le job – colle un peu-, oui et il file avec discrétion au fil des heures roses – il s’infiltre-, se goûte aussi, en pointe sur le bout de la langue avec son léger goût noix de coco, il se dévore surtout, encore et encore, tellement addictif qu’on le dépose et le dépose, encore et encore, dans un tic de mandibules frénétiques –dehors, dedans, dehors dedans– et la langue qui passe, égalise d’une glissade le dépôt – inférieur, supérieur– et mange tes lèvres, mange mes lèvres, bois mes lèvres, traçons nos mots, la frivolité en tube se manie aussi facilement qu’un crayon de couleur qui tache, un qui teinte au pigment sang de bouche, un qui laisse des traces indélébiles sur la page lignée mauve, un qui dessine sur les miroirs des salles de bain des points et des tirets …—…
J’aime beaucoup la pâte de ce texte. Merci !
Merci Fil, ça patouille !
Scotchée par le titre (justement la question du titre est évoquée dans le zoom du 1er septembre) (petit bémol : le prix) et invitée à lire le texte par les trois premiers mots. On se laisse ensuite guider. Merci pour cette note de rouge !
Merci Cécile, tu as raison pour le prix. je vais modifier !
Merci pour ce texte sensuel.