Un arrêt brutal du train, à trois minutes seulement de la gare Matabiau. Un arrêt brutal mais une douce vision d’impasse, une impasse vue d’en haut. L’atelier aux vélos est pris dans toute sa longueur, il y a quelques chambres à air usagées qui ont été jetées par dessus le toit, on se demande pourquoi. Des vélos réparés attendent au jardin, appuyés aux arbres. Le vélo bleu, en face, est appuyé contre la façade de la maison, récemment recrépie. Impeccable, dirait celle du 8, les allées dallées de grosses pierres plates ont été balayées récemment aussi. A côté pourtant, c’est le chantier de la maison nouvelle, il y a des plots de ciment à demi enterrés avec des ferrures déjà rouillées qui en sortent. La boue a conquis le terrain et la bétonnière tousse régulièrement. Ça s’active au numéro 10, il y a des mouvements de portail et de porte, un viager se négocie, dirait-on entre la vieille marchande des quatre-saisons et le jeune banquier qui rêve de promotion immobilière. De quoi faire frissonner le jardin d’à côté, dont le mimosa est déjà en fleur, majestueux et pourtant si fragile. L’ombre des arbres du 2 gagnent sans cesse. De quoi se demander pourquoi il n’y a ni 4 ni 6 pour faire tampon. Alors qu’en face, entre le 1, le 3 et le 5 on pourrait se serrer les coudes, les arbres sont contrôlés, du coup on voit le grand palmier de loin et, depuis la voie ferrée, son panache vient faire un drôle de pétard à la cheminée du charcutier.