Un homme est debout, tout au fond de l’impasse, à taper trois fois dans ses mains avant de reprendre le balai à longues fibres dures et de frotter le sol au-devant du regard du fond de l’impasse, pour que les eaux qui viennent de toutes les maisons et de tous les jardins avec tout ce qu’elles entraînent s’engouffrent, sans faire d’embâcle, dans le regard de l’égoût au pied talus de la voie ferrée. L’âge de l’homme est indéfinissable, ses cheveux sont blancs et ses yeux tombent mais ses joues sont encore pleines comme celles d’un enfant gourmand. Il n’est pas habillé comme un cantonnier mais plutôt comme un trappeur du grand nord, avec une veste dont la doublure moutonnée déborde au col et au bout des manches. Il a aussi de solides bottes et des moufles épaisses. Il faut dire qu’on est en décembre et que parmi les débris dont il précipite la chute avec son balai il y a des éclats de glace des caniveaux.
En préalable de cette ultime opération, il a dû passer un bon moment à faire avancer le contenu des deux caniveaux de la première moitié de l’impasse. Les vieux habitants le savent, elle est légèrement en bosse, autrefois il y avait un fossé médian où l’eau s’accumulait. La dernière opération, juste en bas du talus de chemin de fer du fond de l’impasse, est plus facile. Il suffit de donner quelques coups de balai énergiques et puis il peut attendre un peu que ça s’évacue dans le regard, appuyer même le côté de sa jambe au bord de la brouette qui contient tous ses outils : balise rouge et blanche, balai de rechange et pelle, au cas où…
« …. pour que les eaux qui viennent de toutes les maisons et de tous les jardins avec tout ce qu’elles entraînent s’engouffrent sans faire d’embâcle dans le regard de l’égout au pied talus de la voie ferrée. »
j’ai dû chercher ce mot, regard: Puits recouvert d’une plaque au niveau du sol, par lequel les égoutiers pénètrent dans les égouts ou y introduisent des appareils ; cette plaque elle-même.
Si bien observé, beaucoup de justesse.