roman maison #01/14# | en ce jour et à cette heure| 

Quel jour sommes-nous ? un lundi autour de dix-sept heures…  entre la lumière dorée et les ombres s’étirant vers le soir

Le chat imperturbable souverain a retrouvé son royaume domestique sa chatière et ses jeux familiers, les croquettes sont tombées avec une ponctualité horlogère, ont tinté dans la gamelle métallique, un son rond résonnant comme un écho d’éternité tranquille.

Dans le salon une petite fille les cheveux auréolés par une lumière diffuse fait la roue ; son corps s’élance avec la grâce la fluidité la magie d’un mouvement calculé et libéré par le temps. Dans un souffle une voix lointaine traverse l’espace un courant d’air appelle « c’est l’heure le cours de cirque commence bientôt ». Le papillon qu’elle était redescend doucement ses ailes vibrantes d’énergie. Elle s’élance d’un bond vers la porte, l’impatience dans chaque pas déjà prête à s’élancer vers ses rêves. 

Autour de dix-sept heures ce lundi… une cour anglaise fige l’opacité de la vitre brouille la cruauté de la lumière au néon, une ombre s’agite hésite plie et plie encore, mécanique, draps, nappe, petites culottes, une quête obstinée la paire de chaussettes parfaite. Rien, se résigne et opte pour les dépareillées, son téléphone sonne, une brutalité brise l’hypnose une voix lointaine question d’horaires une réponse en suspend elle lâche le linge, le téléphone se tait, elle revient sur ses gestes hâtivement. Une tension dans l’air un froissement perceptible, le pli du linge ne se limite pas à la table, il déborde contourne s’installe sur les murs sur les objets semble s’étendre à toute la pièce. 

Autour de dix-sept ce lundi… le centre névralgique, la cuisine. Une marmite de soupe frémit sur un plaque à induction réglée trop fort, le père ouvre un placard le referme, il cherche il invente  mélange. Une chaise haute grince sur le carrelage l’adolescente s’est affalée sur la table les écouteurs vissés sur les oreilles les doigts tapotent sur son téléphone, absorbe son regard fixé sur l’écran, la chaise grince à nouveau. Par la baie vitrée adoucie s’infiltre la lumière du jour, elle grignote les ombres. Sur le mur le calendrier, case barrée case vide un jour comme un autre suspendu dans une banalité familière. Le père verse goûte rajoute, l’adolescente ne lève pas les yeux.

Autour de dix-sept heures ce lundi… dans le jardin un sécateur claque avec une régularité  de métronome, abscission des tiges et fleurs fanées en silence. Son esprit vagabonde elle pense à la lettre qu’elle va écrire à celle qu’elle n’a pas encore ouverte ? Le chat repu surgit doucement vient se frotter à ses jambes, insistant ; elle s’interrompt pose le sécateur sur le muret de pierres, une main distraite glisse sur le pelage puis reprend son geste. Cliquetis, coupe, chute. Le vent s’invite parmi les feuillages effleure la nuque soulève une mèche de cheveux qu’elle replace délicatement. 

Autour de dix-sept heures ce lundi… Deux étages plus haut, sous les toits une vie se devine à peine, les voiles des rideaux laissent filtrer une lumière complice. On imagine des mots, les signes minuscules, les gestes simples d’une vie discrète entre réel et imaginaire, de loin on peut apercevoir une ombre peut-être, on projette parfois un bruit léger un craquement, un froissement, l’intimité derrière les murs, une histoire tissée de petits riens s’invente en haut de l’escalier qui monte à la guérite.

Autour de dix-sept heures, ce lundi… la grille sur le sol cimenté de l’atelier vibre sous le souffle de l’ascenseur. Le vasistas, au-dessus de l’établi, laisse filtrer une lumière oblique, grise, presque froide. Les étagères alignent leurs flacons, bocaux, clous, vis, les tiroirs entrouverts montrent des rubans métriques, des embouts rouillés, des calepins noircis. Les outils, pendus sur des crochets, semblent attendre. La porte de l’armoire de l’ascenseur, toujours capricieuse, grince lorsqu’on tente de l’ouvrir. À l’intérieur, les témoins lumineux clignotent : trois, cinq, huit, retour au zéro. Un murmure sourd, le bruit des câbles, un déclic. Derrière l’armoire, l’écho d’un glissement imperceptible, comme un mécanisme secret en éveil. On dirait que l’espace, retient son souffle il passera pour la prochaine réparation.

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