C’est comme un rideau vert qu’ils tirent entre le monde et nous. D’au-delà, des sons nous parviennent étouffés, cris d’enfants jouant dans la cour, commérages des ménagères à leur fenêtre, et la succession des RER à 7h12, 7h22, 7h32, 42, 52… Ils sont trois, dressés vers le ciel, souples comme des plumes. Dès qu’ils sont en feuilles, ils font masse, s’embrassent les uns les autres se mêlent et se confondent dans une étreinte où se perdent leurs contours. Ils se hissent toujours plus haut jusqu’à la visite des élagueurs qui mettent un terme à leur folie des hauteurs, les décapitent et rabaissent leur orgueil jusqu’à l’étage du dessous. Très vite, ils se poussent de nouveau du col et regrimpent jusqu’au faite de l’immeuble, séparent les habitants de l’horizon, déploient leur frémissant feuillage entre la façade et la cour, étouffent de nouveau les bruits d’au-delà d’eux, murmurent par-dessus, et pour amplifier le barrage sonore, accueillent dans leurs branchages des familles de moineaux, gros pompons de plumes brunes qui pépient dès le lever du jour, incessamment. Ils sont trois, et indivisibles avant que l’hiver ne les détache les uns des autres, les isole et dévoile le fin réseau de leurs branches, comme des barbes de plumes rayant le ciel, et le monde redevient visible et sonore, résonne de nouveau des cris des gosses, des médisances des femmes, de la circulation et la kyrielle des RER de 16h12, 22, 32, 42… Alors les moineaux se gèlent et enfoncent leurs têtes dans leurs cous, plus pompons que jamais, dans l’attente du retour des beaux jours qui reviendront les nourrir, rhabiller les peupliers er insonoriser la cour. Au printemps, leurs feuilles sont tendres et traversées de lumière, elles frissonnent et murmurent leur chant discret, constant et intarissable jusqu’au retour des élagueurs. L’été, elles s’épaississent, foncent et dévoilent au moindre souffle un revers glauque. Alors les trois peupliers sont des arbres un peu de noël au feuillage tremblotant et luminescent de reflets métalliques. Pour bientôt jaunir et tomber tout tranquillement en langoureux loopings tandis que s’effondre le rempart de protection d’avec le monde ordinaire.
Il y a de de belles images dans votre texte concrètes et métaphoriques, l’arbre, vous, le monde.