La maison.
La maison s’est toute entière concentrée ici, dans la salle à manger où on a installé le lit. Il n’y a plus ni plafond, ni murs, rien n’existe que cette pièce. La maison les contient tous les quatre et absorbe tout ce qui n’est pas souffle, bruissements de draps ou chuchotements. Aucun bruit ne pénètre la pièce qui semble pulser comme une matrice. L’horloge a cessé de battre pour laisser la place au souffle léger qui les orchestre tous les quatre. Ils ne sont plus qu’un seul poumon, leurs cages thoraciques se soulèvent au rythme des pics de respiration qui propulsent son corps vers le haut comme si elle tentait de prendre son envol ou qui descendent si profondément que chacun cesse de respirer. Ils se rapprochent alors pour écouter, voir, ou sentir sur leur peau le léger souffle qui traverse ses lèvres. L’énergie de la nuit de veille est sur le point de se dissiper et de céder à la pression du matin.
Elle.
Je vais aller chercher du pain. La pensée a surgi dans son esprit, si clairement si puissamment qu’elle se demande si les autres ne l’ont pas entendue. Quelque chose s’est remis en route dans son corps. Est-ce ce rayon de soleil qui a réussi à s’infiltrer à travers les volets pourtant fermement clos? Se concentrer, redevenir immobile, comme les deux autres qui n’ont pas bougé depuis des heures. Mais voilà qu’elle pense à aller chercher du pain. Une tache de lumière s’est posée sur l’oreiller dévasté, frôlant le visage de la mère, bravant l’interdit qui maintient cette pièce dans une éternelle pénombre. Elle chasse d’un froncement de sourcils le sourire qui menace et tente de se replonger dans l’attente. Mais c’est une lutte pour la forme, quelque chose s’est remis en route qu’elle ne pourra pas arrêter. La lumière du matin s’est maintenant installée sur l’oreiller baignant le visage de sa mère qui ne se rebelle pas. Je vais aller chercher du pain.
Le plus jeune.
s’enfonce dans sa brume, dans ses couvertures, dans son pyjama. tout le monde est là. c’est quel jour aujourd’hui. elle a dit qu’elle était bientôt partie mais elle est là tout le monde est là moi j’ai faim personne n’est parti. on ne dort pas dans le salon. on dort dans son lit. je compte jusqu’à 10
Le père.
il a préparé son costume. faire du café. 6h30. il a toujours été du matin. avant, il se levait à 4h30, les jours où il faisait six deux. c’est lui qui faisait les tartines. même quand il faisait deux dix il se levait tôt. Il est debout dans son minuscule salon qui sent la soupe et la cigarette. Il attend aussi. Il va apporter du café. Ils seront là tous les quatre. Il voudrait y être.
J’aime vraiment beaucoup, sensations étranges, comme les préparatifs avant le déluge ou l’Apocalypse
Dyspnée caféinée du quotidien.
C’est beau c’est fort. On peut vraiment rentrer dans les mondes des uns et des autres. Des mondes qui coexistent, des univers qui vivent en parallèles. Des réalités qui semblent difficilement se rencontrer. Beaucoup de solitudes malgré les présences.