Midi bientôt. Pour le moment, elle est silence.
Mais elle est là, au milieu de la cour d’à côté, elle trône. Comment pouvoir dire « je » à côté de cela ?
A l’intérieur, juste cette peur, juste cette conscience que le bruit sera terrible, qu’il ne s’agira plus d’être une personne qui désire et qui pense mais un lapin apeuré qui cherchera un trou dans la terre, où se couler, où bouler s’il faut aller plus vite encore pour que la terre étouffe à temps ce bruit immense.
Presque midi. Le moindre battement de cœur trop fort semble dire que ça commence déjà et que ça va être terrible tout de suite.
Pourtant elle est juste là, elle nargue, ses cônes de métal jointifs font penser à des dents carnassières.
Et bien sûr qu’à midi ne s’annonce aucune catastrophe, aucun accident, aucun incendie et puis ce n’est plus l’époque racontée des guerres avec leurs bombardements mais elle déchire quelque chose à l’intérieur à chaque fois qu’elle sonne.
Il va bien falloir que ce soit midi. Qu’à l’éclat du soleil s’ajoute ce qui pourrait n’être qu’un autre éclat.
Alambiquer sert-il à quelque chose ?
Les lapins apeurés ont-ils aussi des mots qu’ils empruntent à d’autres ? Tiens, la question a fait diversion, encore petite. Mais l’écart à midi aussi se réduit. Alors, comme il est impossible de lui échapper, serait-il possible de redresser la tête, de hurler aussi fort que possible, de se grandir de ne pas partir ?
De résister.
Quel beau et fort texte. Merci Philippe.
Merci Ugo ! Je vais me le remâcher comme un Hollywood au goût persistant les jours où le doute reviendra…
« Les lapins apeurés ont-ils aussi des mots qu’ils empruntent à d’autres »
ça me rappelle « Watership Down » de Richard Adams… différent, puissant et dense, merci
Je ne connaissais pas ces garennes-là… Merci de m’avoir donné l’idée d’aller y faire un saut à l’occasion !