De « La Crique du Français » de Daphnée du Maurier un certain charme, le plaisir de lire comme les autres filles de mon âge et de ce que je ne savais pas être mon milieu, une petite honte aussi de céder à cela, et puis le fait que c’était à ma disposition, maintenant le plaisir d’un vague souvenir que nous nous échangeons
De « l’Etoile Matutine » de Mac Orlan l’adolescence rêveuse et l’envie d’être un peu ailleurs, en dehors du cocon mais de garder le désir de mer.
De « Le maître de Ballantrae » de Stevenson le romantisme sombre et les éclairs de lumière, un début d’accès à une autre poésie
Du « Parfum de la dame en noir » de Gaston Leroux le souvenir de mes jambes poissées par les épines de pin à coté du blockhaus au Palyvestre avant que ce soit un port, et mon cerveau titillé sans fatigue sous mon chapeau
D’ « Un endroit propre et bien éclairé » d’Hemingway mais en fait de toutes les nouvelles et pas uniquement de celles de ce recueil, l’écriture nerveuse, une introduction à une vie adulte que je soupçonnais pas si différente de celle de ceux dont j’aurais aimé faire partie
De « Bourlinguer » de Cendrars, peut-être mon préféré dans ses livres, le long compagnonnage, l’intelligence, le mélange de poésie et de lucidité, l’impression de l’écouter, la beauté discrète de l’écriture
De la correspondance de Voltaire, l’intelligence, la conviction, l’habileté du plaidoyer, la civilité, le plaisir honteux de m’amuser de son côté socialement aveugle, la jubilation devant la méchanceté, le sourire devant ses fidélités et amitiés, cette façon de se lancer à écriture déchaînée en faveur d’une cause
De « Jacques le fataliste » mais en fait de tous les textes de Diderot, le sentiment d’être devant un grand frère brillant et tendre, le plaisir de voir le raisonnement dériver en poésie, le respect
Du « Grand testament » de Villon, la poésie heurtée et profonde, l’autoplaidoyer, la culture digérée plus ou moins bien me semble-t-il, surtout la familiarité dans mon adolescence
De « Vous les entendez ? » ou de « Tu ne t’aimes » pas ou de « Pour un oui ou un non » ou.. de Nathalie Sarraute le cheminement du discours, la lucidité sur ce que nous sommes quand on passe sous l’affichage, la joie pour moi qui aime admirer de retrouver, chaque fois intacte, la sidération lumineuse
Des « Petits traités » de Pascal Quignard, ma main qui se tend, le sourire inconscient de mon attention, le besoin de reprendre, re-savourer un passage, le besoin aussi de m’arrêter après une demi heure ou moins, de ranger le livre, nourrie et contente, un peu comme devant un très bon plat
Des « châtiments » de Victor Hugo et de ce qui a été rassemblé dans « Actes et paroles », la houle, l’homme, mes désaccords, mon admiration, des sourires narquois parfois, et presque un culte si j’en étais capable
De « La mer » ou de « La sorcière », entre autres, de Jules Michelet le lyrisme, l’homme, l’emportement
De « L’innommable » de Beckett puisque j’en choisis un, ma gorge nouée, la quasi impossibilité d’interrompre ma lecture, l’obligation parfois de le faire pour revenir en arrière pour vérifier la saveur douce ou amère d’un fragment, d’une inflexion de la phrase
De « 14 » de Jean Echenoz l’ébahissement devant ce que contiennent ces quelques pages et la force grande née de la savante économie de l’écriture
De « Retour dans la neige » de Robert Walser la beauté de la phrase et cette humilité qui la met à portée en teintant l’admiration de fraternité et de compassion
Des « Géorgiques » de Claude Simon, mes mains qui restent en arrêt au dessus du clavier faute de savoir dire en détail ce qui en fait un de mes livres indispensables
De « l’Orphelin » de Pierre Bergounioux (mais pourquoi celui-là?) la phrase, la poésie, l’émotion contenue
De « Voyages en France » de Jean-Claude Bailly, la façon qu’a ce qu’il dit d’important, pour moi et dans m’absolu, de me parvenir à travers la jouissance de son écriture
De « Daewo » de François Bon la composition, l’accès à ceux que connaissais si mal, la générosité (en général) de l’auteur
De « Char, dans l’atelier du poète » recueil réalisé par Marie-Claude Char pour Quarto, le fait d’avoir accès à une très grande partie de l’oeuvre qui m’est nourricière, de l’histoire de l’homme et des époques ou des milieux littéraires qu’il a traversé
De tous ceux qui ne se sont pas précipités pour figurer ici ou qui sont venus après que j’ai décidé d’arrêter mais qui ont de l’importance pour moi et qui devraient pour certain prendre, ô combien, la place d’autres, mes remerciements et mes excuses… ma foi ai vécu trop longtemps et lu trop anarchiquement
je prends la dernière occurrence, et je la colle aux miennes (merci c’est vraiment un beau portrait)
en épluchant les légumes, l’Iris de Suse de Giono, les onze de Michon; l’Arrière pays de Bonnefoy, un Sciascia à choisir, les maîtres d’autrefois de Bernhardt, Emma de Austen, les vagues de Virginia Woolf, Lucien Leuwen, la peau d chagrin etc… 🙂
Beaucoup dans votre liste que j’aurais pu citer et un vrai plaisir à la lire. Merci.
oui elle n’a vraiment rien d’original (les petits trésors personnels peut-être finalement plus sujets aux humeurs sont restés cachés sans que j’ai le temps d’aller les pêcher, les autres s’imposaient)
ah ben pour moi beaucoup de textes à découvrir, un peu honte, la lecture revient seulement depuis deux ans que je participe aux ateliers, impossibles lacunes à combler…
moi aussi d’innombrables par rapport à vous – ma vie ça a été plutôt problèmes de loyers, de pipis de chien dans l’escalier, de petits travaux d’entretien, de petits dossiers devant le tribunal d’instance, et par bonheur de toitures à refaire, appartements à retaper et ravalements parfois (là j’étais en forme) avec lectures anarchiques la nuit et dans le métro (plus France Culture en bruit de fond ce qui amusait mes correspondants (je crois que j’ai eu de la chance dans mes choix en flânant chez des libraires à midi quand n’étais pas à Drouot (livres de poche et surtout pas de conseil)
Beaux remerciements ! La lecture anarchique est la définition même de l’amour qu’on a pour elle. Lire méthodiquement me paraitrait plutôt mariage de convenance. Je me revois dans beaucoup de vos choix. Daphnée du Maurier (quels souvenirs), Villon, Robert Walser (fraternité et compassion, tellement vrai). Merci !
merci
Le puits sans fond de la lecture, l’une en appelant naturellement la suivante. Merci Brigitte pour ces « ambiances » rassemblées là avec beaucoup de délicatesse! Cela m’a rappelé mes été d’enfance dans la chambre fraîche de la maison de mes grands-parents en compagnie de Stendhal ou de Dumas, et l’odeur( et le bonheur) à l’ouverture des portes de la bibliothèque du salon…
merci
merci à vous ! désolée n’ai pas trop le temps de lire en ce moment, tenterai de vous découvrir tous en août
Pour moi aussi quelques lacunes…merci pour cette liste qui donne envie. ( je dois aussi m’interesser à l’accumulation musicale d’un texte précédent, les journées sont trop courtes! )
Champ plein de livres-fleurs à butiner, c’est l’été, profitons-en ! J’ai envie d’essayer Cendrars et de me replonger dans Sarraute et bien sûr Victor Hugo, un des monuments de ma bibliothèque. Liste très stimulante, merci !
merci Elisabeth, merci Zoé… tant qu’on a envie de lire : tout va