Regarde comme c’est curieux…
Toute première phrase inaugurale, tous premiers mots gommés depuis, toute première adresse avec points de suspension.
Adresse à qui ? A moi qui écrit, qui m’apprête à écrire quelque chose sans savoir quoi ni comment. Pourquoi cette phrase ? Regarde comme c’est curieux… c’est que la démarche même est insolite. Combler un vide ou l’agrandir encore ? Les mots qui suivent ? Ils disent un personnage dont on ne sait rien sinon qu’il marche. Rétrospectivement, je pense aux sculptures de Giacometti. Pourquoi marcher ? Vertigineuse question, simple question d’humain. Allons y. Inventons. Creusons. Embourbons nous . Le Nous ? Le personnage et moi ?
Regarde comme c’est curieux…
Oui, regarde comme c’est curieux que je veuille te faire vivre, que je t’invente une forme, une histoire, un tourment ou un délice, je ne sais encore. Que tu marches à côté d’autres, que je te singularise, que tu existes bel et bien. Une sorte de Pinocchio ? C’est curieux cet adjectif qui dès le début assigne au personnage une place à part, en décalage et cette injonction : regarde ! regarde sa bizarrerie.
Regarde comme c’est curieux…
Adresse à qui ? A ceux qui le liront. A ceux qui s’y reconnaîtront d’une façon ou d’une autre. A trois mois de gestation, il est encore bien pâle et à le regarder, on n’y comprendrait pas grand chose. Il doit grandir et surtout forcir. Pour l’instant, il ne marche pas vraiment, il trébuche à chaque phrase. Alors le regarder ? Le suivre dans sa marche ? Alors le partager ? Pourquoi écrit-on ?