je racontai un jour à l'arbre qu'il arrivait que l'on voie des fruits pendus qui ne venaient pas d'eux les arbres. Des fruits rapportés, racontai-je, et de loin on les prends pour de vrais fruits:" Southern trees bear a strange fruit blood at the roots Black bodies swinging in the southern breeze Strange fruit hanging from the poplar trees" Je lui racontai ces hommes qui n'avaient plus de visage sous la paille et qui pourrissaient pendus aux branches. je lui parlai d'Aline accrochée à la plus basse branche du pommier.
Je racontai un jour à l’arbre… un jour, à l’arbre je racontai… à l’arbre, un jour je racontai… JE RACONTAI À L’ARBRE (marquise vos beaux yeux d’amour mourir me font)- tourner à vide- phrases qui se vident- travail de précision ou de défiguration: préciser quoi? Et l’emploi de la première personne ( il ou elle raconta un jour à l’arbre ça aurait changé quoi? )- dans la chambre de l’enfance, quand ne pas s’endormir, attendre qu’elle revienne – dans l’obscur guetter- scruter- se raconter des histoires – persistances rétiniennes- lueurs- bizarreries en corps flottants- parler aux choses inanimées ( que l’arbre est une vie pas une chose) — qu’il arrivait que l’on voie des fruits — des arbres ils s’arrachent aux murets- le jus des fruits – l’agitation des mouches gavées- la mélasse: odeur de fosse, couleur de moût- l’odeur (infecte) des figues qui pourrissent sur l’arbre- trois semaines à peine, je monte sur l’escabeau rouillé, la dernière marche est instable.La plupart des figues qui sont à hauteur de ma main ont pourri je me hisse vers les beaux fruits ( peau verte épaisse chair rose violacée) j’atteins trois figues …(ciel de fruit comme une promesse) repas pour les mouches- les serpentins couverts de mouches de la maison de Galan où l’on tue le canard gavé lui aussi- elle fait le foie- elle a des viscère plein les doigts- le jardin de la maison de Galan (pattes de poulets coupées qui vont aux poules) les yeux des enfants, toutes les mouches agglutinées- les corps dans les fosses –pendus Goya l’arbre aux pendus des désastres de la guerre— qui ne venaient pas d’eux les arbres; la floraison des arbres des fruits un fruit muri à point, le plus beau il a poussé trop haut, la main qui se hisse sur la pointe des pieds- du petit au grand- l’ enfant accroché au cerf volant ou bien est-ce l’inverse – un fil prolonge un rêve rapportés l’arbre de noël en guirlandes- l’arbre potence– comme des sucres d’orges: les morts lui racontai-je et, de loin image de choses à distance et voir ou ne pas voir ce qu’il faudrait pourtant voir— croire voir. se méprendre. L’histoire des stigmates Distances: celles du théâtre. Vu du plateau. Vu de la salle… épurer ou grossir— des déformations faire naitre du sens on les prends pour de vrais fruits Leurre- tenir l’incertitude- cette obscure clarté qui tombe des étoiles de Corneille “Southern trees bear a strange fruit Blood on the leaves and blood at the roots Black bodies swinging in the southern breeze Strange fruit hanging from the poplar trees” (Les arbres du Sud portent un étrange fruit Du sang sur les feuilles et du sang aux racines Des corps noirs se balancent dans la brise du Sud Fruit étrange suspendu aux peupliers il pendent aux peupliers ( populus nigra) ) une langue étrangère une autre façon d’être à distance- dire à distance – au plus froid, à distance- chants qui remontent le fleuve- voix d’une femme déchirant le voile- voix d’autres femmes- ses appels dans la nuit- Antigone- Faulkner- Morrisson— je lui racontai de l’impossible transmission-ces hommes qui n’avaient plus de visages larmes d’Eros— choses irregardables sous la paille le chapeau de paille du père Tanguy— qui pourrissaient pendus paille/ pourrir/ pendu/parler/ poplar/plus/pommier P comme récurrence de la consomme, P comme perdu, père, pâle, posthume aux branches plus de VISAGE passer au singulier- qui n’avait plus un visage – la singularité de ce visage- les visages dans les portraits de Van Gogh: la tête de bébé- le bébé monstre- le retour des visages...de l’impossible retour de leurs visages- Leurs Défigurations: visages spoliés- » autodafé » de visages Je lui parlai d’Aline pendue à sa ceinture? accrochée à la plus basse branche du pommier un pommier: peu importe si c’est ou non un pommier même dans le Livre c’est incertain ( arbre de vie et arbre de mort) c’est le taupier qui découvre Aline: un retour du sous sol- l’arbre terre ciel- appendre à lire le texte de sous sa terre…
« C’est comme ça, je sortais de la haie là-bas, parce qu’il y a par là des prés pleins de souris que j’en avais pour toute la matinée ; et puis voilà, je vois du noir, une robe mais pas la tête qui était cachée ; je me dis “c’est drôle”. Je me dis : “C’en est une qui s’est levée matin toujours, et encore qu’est-ce qu’elle fait ?” Et puis voilà ! Je suis venu voir ; et puis voilà… ».
Aline de Ramuz
Twombly
Tout très beau. Et inspirant.
merci Louise
Merci Nathalie Holt. Sans fard, livrer les tourments, les richesses, les complexités des entrailles de vos écritures est un acte rare et précieux. Admirable mise à distance. Remarquable archéologie des intertextualités. Merci.
intertextualités. Je vais essayer de faire grandir par là. Merci Ugo
C’est un chant ! Il est bouleversant. Nos entrailles d’écriture, commentaire d’Ugo, je prends, intertextualités, je prends, inter-peintures, je cherche le mot qui traduirait… Encore. Merci, Nathalie.
j’aime ce mot entrailles Anne. Merci