#versuneécopoétique #01 | silence

Ils m’ont lâché dans l’hyperespace. L’expulsion a été terrible. Une détonation. Un balbutiement d’enfant à l’échelle spatiale. Ce méga-sas galactique m’a craché en un instant. Et puis la dérive dans le noir astral. Mon corps sans attache, la tête qui cogne au hublot. Un froid incommensurable, mais au-delà du néant visible, le choc d’une absence totale de sons ; un indicible vide gigantesque au creux des tempes et la pression sur mes deux tympans. Quels sous-titres auraient pu sauver ma peau ? Quelle pensée ? Quelle voix ?

Mon cœur a lâché dans ma poitrine. J’ai perdu connaissance. Combien de temps ? Impossible à dire. Tout ce que j’ai vu, c’est le verre de la couveuse de la maternité, la petite ficelle attachée à ma cheville pour me réveiller le sang et vérifier que je respire. Petit nourrisson prématuré sous cloche, on me surveille pour ne pas me laisser succomber au grand rien, être sûr que je tiendrai le choc, que j’attacherai mon petit palpitant à la ligne de vie. Un vrombissement sourd et imperceptible m’enrobe comme un peignoir d’éternité sans bruit. Seul le bip électronique semble toucher ma fontanelle encore molle à chaque impulsion ; un bip qu’on aurait enroulé dans du coton et moi dans du formol.

Un impact violent vient me réveiller à l’épaule, me ranime. Le noir de l’espace me déclenche une peur panique. Mes yeux clignent malgré moi et très vite. Des flashs passent sous les paupières. Ça y est, j’ai vingt-deux ans. En plein désert de l’Utah. La bouche sèche et des épines de figues de Barbarie plein les paumes. J’arpente l’ocre rouge et jaune. Le technival a dégénéré. Je suis passé trop près d’une enceinte. Un acouphène incroyable me malaxe le crâne. Pas d’autre solution que marcher vite et loin. En guenilles, mais on verra après, et tant pis pour le soleil écrasant. Les sifflements avant tout. Désormais, sauver mes tempes du silence omniprésent.

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