Râtelier, râtelier comme le verre d’eau où trempe la nuit un sourire mordant alors que la vieille serre les mâchoires pour ne pas montrer ce qu’elle n’a plus. Râtelier comme dans l’étable d’où les vaches tirent le foin tandis qu’on tire le lait de leur veau. Râtelier comme à fusils pour la chasse et quelquefois à l’homme comme à outils ou à couteaux à queues de billard avec encoches pour tenir entre des mâchoires le vide quand on a décroché l’outil le fusil le couteau. Râtelier donc mais là à vélo comme des trombones géants fichés dans le pavage râtelier en métal couleur canon de fusil qui prend la lumière en tâches blanches, râtelier qui plantés en deux points parmi les pavés granités gris jaunes et roses est tenu sous une coulée de ciment blanc. Râtelier où languissent tranquillement les vélos, selle et guidon au dessus du trombone, roues plutôt en dessous. Il y en a sept des trombones dans ce râtelier j’ai compté Et des vélos cinq alors qu’il pourrait y en avoir quatorze et deux trottinettes vertes et noires sur le côté comme petites sœurs des grands vélos se poussant du guidon bien dressé. D’un des trombones pend lourdement la chaine d’un anti-vol pour garder place sans le vélo. Râtelier pour arrimer vélos qui soutient vélos debout sans personne dessus, qui menotte vélo contre voleurs. Au soir, un petit troupeau de vélos s’y cramponne des bleus noirs rouges petits ou grands avec paniers pour les courses ou porte-bébés mal alignés comme dents mal rangées, rameutés là pour les cyclistes citadins trajets matin-soir. Chacun suit sa pente, se penchent dans un sens ou dans l’autre ou tendrement l’un vers l’autre, guidon baissé comme une tête roue droites ou alanguies, corps de ballet silencieux où chaque danseur a sa propre figure à danser, certains guidons braqués face devanture, d’autres regardant ce qui pourrait venir du bout de la rue. La nuit tombe dessus et ils luisent faiblement dans la lumière du réverbère avant la grande lumière du matin où des mains vont les libérer les décrocher du râtelier les disperser chacun dans sa propre aventure à l’heure où la vieille pèche son râtelier dans son verre et retrouve son sourire mordant. Le râtelier se vide comme une salle de cinéma l’après-midi où sommeillent quelques errants en recherche de frais ou d’autres idées que les leurs. Râtelier déserté comme comédiens sans spectateurs, en attente qu’un peu de vie lui vienne comme les filles du bois de Vincennes piétinent devant leur camionnette
L’attente a été récompensée. merci pour ce texte poétique, j’ai pensé avec ce râtelier et ses vélos dans le beau coucher du jour à un point d’eau auxquels les animaux de la savane viendraient s’abreuver, belles variations sur le râtelier ce trombone à vélos. on pédale dans le texte sans effort. merci encore.
Merci Jeanne de votre lecture et de la générosité de votre commentaire, je pédale à présent vers ma poterne encore mystérieuse…
je venais tenter de comprendre le problème signalé sur Facebook, avec peu d’espoir de trouver la solution… et non seulement elle est trouvée mais belle occasion de lire (je rêve du ratelier s’endormant dans la nuit)
Merci Brigitte, le râtelier fait de beaux rêves j’en suis certaine.
Des évocations à sourire, rythmées par les « comme » qui en disent plus long que la réalité. A lire, on sent la poussée sur les lignes, prêt(e) à libérer ce qui est retenu. J’apprécie le rythme vif donné pour ce qui, de fait, n’appelle pas à bouger ; un beau contraste ! Merci pour cette lecture.
🙂 CM le Guellaff