Qui dort ? Le lieu ou moi ?

Des mains sans visage esquissent un oreiller. Elles glissent quelque chose sous le drap housse pour former oreiller sous ma tête d’enfant. Du rose, un lit imposant, bois, très marron. Des mains. Une voix peut-être ? Un repli sans oreiller ? Pire que la pluie ?

C’est l’humidité qui a gagné. L’eau est tombée sur le sommeil. Transformé en inconfort dans une Ford fiesta. Trop dans la Ford fiesta pour contrer l’humidité, faire gagner le sommeil quitte à mentir.

Au milieu de la tente qui prend l’eau, tout va bien. C’est pour qui dort sur les côtés que ça mouille le bord des rêves. C’est les herbes hautes autour qui s’expriment, insinuent leur récolte d’eau de la nuit et la rendent aux deux rêveuses des bords de tente. 4. La tente contient 3/4… Aïe. Agacement. Repli. Départ. J’ai dormi au milieu et le mouillé de la sensation que je n’ai pas vécue revient avec le souvenir.

… l’inconfort absolu, la barre métallique du clic-clac, puissant inhibiteur du sommeil. A côté, elle dort dans la sécurité, dans la conviction de ma respiration. Ai-je dormi une minute ? Une seconde ? Moins ?

… Et le blanc du réveil m’a pétrifiée. Blanc, ici. Blanc, là. Blanc, ici aussi. Meuble rencontre l’œil. Le corps la terre ferme. Souffle. Je suis au même endroit qu’au moment où je me suis couchée. Le corps a cru à autre chose…

… plafond bas, plancher haut, échelle de meunier. Ah oui, on s’est endormis là. C’est donc vrai. Dans l’étroit d’une erreur sur le lieu. On a dormi dans l’erreur. On avait cru… Il a fait si chaud qu’on en est nus couverts par la confirmation de la méprise.

… Noir absolu en haut, à droite, à gauche, noir absolu au-dessus. Manque d’air. Manque de connaissance. Où est l’interrupteur ? Je tente une sortie. Je tente une sortie dans le noir sans oxygène. Il n’y a plus rien. Qui dort ? La chambre inconnue ou moi ? Ouvrir la fenêtre. Vite. Respirer.

… Je ne peux pas dormir. Je ne peux pas dormir. Je ne peux pas dormir. Il y a quelqu’un derrière la porte. Accrochée à la série de science-fiction vomie par mon ordinateur, je ne peux pas dormir. Il y a toujours quelqu’un derrière la porte d’une chambre prêtée. Est-ce qu’ils savent que je suis là ? Il y a quelqu’un derrière la porte…

… La pluie sur tôle frôle mes rêves. Suis-je éveillée ou endormie ? Le lit autour de moi, les barreaux aux fenêtres. Je suis libre de rester dans l’écho de la pluie sur la tôle du toit. Sur le fil, je dors sur le fil et plus sur le lit tropical.

… Le creux, le vide, ça réveille par le ventre. Cette première nuit m’a creusé le ventre, l’esprit, le corps tout entier. Je me rappelle l’avant. Ne suis plus sûre du pourquoi. Et pourtant je suis là, la chambre allemande autour de moi pour combler le creux.

A propos de Stef_Encre

Tantôt formatrice en français pour les étrangers, Tantôt animatrice d'ateliers d'écriture pour les mêmes et pour d'autres Toujours en recherche de nouveaux projets et d'eau fraîche Souvent Chercheuse d'encre Ecriveronne, écrivante, écriveuse, buveuse de littérature Tantôt tout ça

4 commentaires à propos de “Qui dort ? Le lieu ou moi ?”

  1. Impressions d’étouffement, de cauchemars, les mots m’ont percutée et je me suis revue dans des états pareils où on ne sait plus vraiment où on est, où le corps glisse dans le sommeil comme un noyé coule…

    • L’entre-deux sommeil-réveil nous plonge dans des états qui laissent en effet des sensations fortes, elles restent ancrées longtemps…

  2. Bonsoir Stef-encre,
    j’aime beaucoup « ça mouille au bord des rêves » et les mains douces du début, un soir de fièvre peut-être, belles évocations,
    bonne suite,
    Catherine Serre

    • Merci pour Catherine, intéressant cette proposition qui laisse remonter sans vraiment faire raconter ;-).
      Stéphanie