Il attend l’ombre. Le soir tombe tôt en cette saison. Il ne doit pas s’éterniser. Il ne doit pas trop s’épaissir le sang avec tout ce qu’avalé et entendu pour donner le change. Il doit rester vigilant et ne pas se laisser noircir l’âme par les marins, ni se vautrer dans le désespoir avec les sirènes. Là, maintenant, sortir, enfin. Se dépêcher sans glisser sur les pavés humides de nuit. Arriver juste pour se voir jeter un regard soupçonneux et s’entendre expliquer par le vieux guichetier à casquette que depuis l’ouverture du canal, il y a moins de passagers nocturnes et que donc les grilles du funiculaire ferment jusqu’à l’aube. Plus qu’à monter à pied, parallèle aux rails. Ça va durer. Ces séries de marches de pierre usées. L’aide de la fraîcheur océanique qui repousse la chaleur du jour vers les hauteurs. Fuir la brume blafarde qui suinte des lampadaires. Rester dans l’ombre. À cette heure, la plupart des volets sont fermés sur les dedans silencieux des petites maisons. Dans la poche, empoigner la crosse froide et lustrée du Luger. Être prêt. Seul. Un bruit détale sur la droite. De part et d’autre des escaliers, dans les caniveaux, des immondices incertaines s’entassent par palier pour attendre les prochaines pluies. Ça remue. Deux petits yeux luisent. Un peu plus haut, un marin et un réverbère s’enlacent. Immobile, son visage est tuméfié, bouffi. Des bulles sanglantes au coin de la bouche. Son uniforme est maculé de crasse, de rouge. Surtout ne pas quitter l’ombre.
Très belle entrée en matière cette nuit et ce personage interlopes…
un bruit détale sur la droite. J’ai aimé.
On y est ! L’ambiance, le noir et blanc… ça me fait pense à : https://www.youtube.com/watch?v=f6J1PZVcdMY 😉
Merci pour ta lecture et la découverte ! Je ne connaissais pas du tout ce film ! En plus, je retrouve Karl Malden que je voyais régulièrement dans une série policière « Les rues de San Fransisco » que mon grand-père suivait à la fin de sa vie … Triple merci donc