De Maupassant, Une vie : premier choc littéraire, une impression forte, presque physique d’émerveillement, vers 12-13 ans, de découvrir quelque chose de nouveau, de vital, de décisif, « la littérature », rien à voir avec tout ce que j’avais pu lire auparavant, et le désir impérieux de s’engouffrer à tout jamais dans cette nouvelle sensation.
De Poe, ses nouvelles et certains poèmes (A Dream within a Dream, Anabelle Lee) : le mystère, le suspens parfois insoutenable, les ambiances gothiques, la frontière floue entre le rêve et la réalité, entre la vie et la mort, les personnages de femmes lettrées et fascinantes, plongées dans l’étude de textes ésotériques anciens, la vie de Poe et tout ce qui me touche et me parle chez lui.
De Stendahl, Le rouge et le noir : autre lecture de fin d’adolescence qui m’a impressionnée, peut-être par sa finesse de description et sa profondeur de compréhension des sentiments humains. Grande tendresse pour Stendhal, un des rares écrivains non misogyne du 19ème siècle.
D’Emily Brontë, Wuthering Heights : tellement bien chanté par Kate Bush que les deux restent indissociables pour moi, incroyable fougue créatrice de la jeune Emily et ce miracle des trois sœurs écrivaines isolées dans leur presbytère au milieu de la lande du Yorkshire dont les paysages et la nature hantent l’envoûtant roman d’Emily.
De Shakespeare : parce qu’il a tout écrit, parce que Macbeth ne peut s’oublier, parce que se laisser ensorceler par les Weird Sisters et en arriver à la conclusion que « Life’s but a walking shadow, a poor player/ That struts and frets his hour upon the stage/ And then is heard no more : it is a tale/ Told by an idiot , full of sound and fury,/ Signifying nothing » c’est très noir, mais pas toujours si éloigné que ça de la réalité.
De Dostoievski, Crime et châtiment, L’Idiot : comme une déflagration à couper le souffle, lecture haletante, hallucinée, dont je retiens plus cette sensation intense que l’histoire elle-même et l’envie de trouver le temps d’y replonger.
De Duras, Moderato Cantabile étudié en première, puis Le ravissement de Lol V. Stein, lu dans la foulée, et mon propre ravissement de cette découverte d’une écriture en complète rupture avec les classiques lus précédemment, cette voix de Duras m’enchante toujours par sa force et son apparente simplicité.
De Virginia Woolf, lue plus tardivement, Mrs Dalloway, To the Lighthouse, The Waves : plonger avec délice dans ces vagues fluides du stream of consciousness, se laisser emporter par ces courants où les différents personnages se mélangent et se rejoignent comme les gouttes d’eau dans l’océan.
De Paul Auster : quasiment tous ses romans, que j’ai avec intérêt suivi au fil des années, et en particulier le dernier lu, 4, 3, 2, 1 : a novel, quatre différents destins hypothétiques pour un personnage en faisant varier certains éléments de sa vie, questions importantes sur ce qui forge un destin.
De Toni Morrisson : Beloved, pour la force, la justesse et la beauté de son écriture qui donne une voix si puissante à ceux qui en ont été privé pendant si longtemps, pour moi une des raisons d’être de la littérature.
De J. C. Oates, plusieurs de ses romans : pour le flot impétueux de cette écriture exubérante et passionnée qui emporte tout sur son passage, jusqu’à la folie parfois.
De Tiffany MacDaniel, Betty : magnifique roman, histoire d’une autre Amérique oubliée, indiens et petits blancs, entre pauvreté extrême et richesse des traditions ancestrales préservées, entre violence et tendresse, ou comment survivre en milieu hostile.
Et tous les autres, déjà lus ou encore à lire, avec gratitude pour tout ce qu’ils apportent au monde.
Betty, j’ai adoré.
Oui, vraiment génial !