il pleut une impression d’automne les fenêtres d’en face sont éclairées la famille vient de rentrer de vacances moi aussi la température a baissé je peux ouvrir la porte- fenêtre pour laisser entrer la fraîcheur si bienvenue je ne fais rien qu’être allongée sur le canapé à regarder mon balcon de ville l’olivier qui a bien supporté la canicule à travers son feuillage léger je peux jouer un instant au voyeur la maîtresse de maison s’active au nettoyage de la cuisine semble-t-il pas de quoi s’attarder sur cette séquence de vie si prévisible et puis un reste d’enfance en moi je me sens moins chez moi sans l’écran de la vitre qui me sépare me met à distance du reste du monde comme lorsque je mets mes lunettes dans la rue ce si mince verre qui m’isole du regard des gens j’ai ainsi l’impression de marcher comme masquée quand je regarde dans le rétroviseur de ma vie cette atmosphère me rappelle mon enfance face à la mer en colère en furie de l’équinoxe d’automne que j’observais bien à l’abri des vitres qui devenaient un peu opaques à force de recevoir les embruns et lorsque je revenais de l’école les sautes du vent étaient si forts que pour avancer nous étions mes copines et moi obligées de marcher à reculons pour pouvoir respirer quel parfum d’aventure avait ma vie dans ces moments-là ma mère elle n’aimait pas cette vue de la mer d’équinoxe qu’elle trouvait désespérante elle restait calfeutrée dans un des vastes fauteuils du living à lire elle adorait lire l’épisode durait en général 3 jours un jour quand même attirée par nos cris d’effroi elle avait assisté avec nous aux efforts désespérés d ‘un voilier pour échapper au naufrage heureusement le bateau avait pu échapper au désastre en jetant par dessus bord des caisses qui se fracassèrent contre les rochers en face de la maison mes fenêtres n’ont jamais eu de voilage depuis cette enfance occulter la clarté du soleil comme l’ombre de la lune se miroitant sur la mer le spectacle de la nature quel dommage même lorsque je suis devenue plus tard citadine j’ai gardé cette habitude jusqu’à en découvrir les inconvénients plus tard jeune-femme ma chambre donnant sur un très vaste quadrilatère nous avions remarqué mon amoureux et moi que l’occupant d’en face nous regardait régulièrement la nuit fenêtre fermée son corps nu jeune et beau seulement éclairé par une ampoule au plafond nous avions d’abord tiré les vieilles persiennes en bois si difficiles à manier puis nous étant lassés de cette manipulation nous nous sommes mis à entrer dans le jeu à notre tour le laisser regarder autant qu’il le voudrait puisqu’il semblait y trouver plaisir une nuit au paroxysme de l’excitation fenêtre ouverte lumière éteinte debout face à cette silhouette toujours immobile nous inventâmes un jeu érotique devant notre voyeur adressé à lui seul pour tester sa réaction cette fois-ci ce fut lui qui disparut de sa fenêtre qu’il est donc loin ce temps du jeu de la gaieté de la dérision tout le monde est devenu très sérieux soupçonneux à raison la plupart du temps moi y compris quand je regarde à travers la fenêtre de mon viseur pour ne pas faire un portrait volé je m’oblige à rencontrer les personnes en question leur demande leur consentement leur propose de leur envoyer leur photo par mail ça marche ils ont renoncé à leur droit à l’image et sont même ravis.
bien aimé le glissement de l’écriture de la fenêtre vue par un « je » et puis vue par « elle », la mère…
Merci, Marien! comme j’ai eu du mal à me mettre à cet exercice et ensuite à l’écrire !
Superbe texte très fluide avec ce glissement d’une fenêtre à l’autre et ce passage inattendu du voyeur pris à son propre piège !
Merci, Muriel ! cet épisode , j’ai eu envie d’un peu d’impertinence, de gaieté, dans une exercice que j’ai eu du mal à comprendre, comme tous les exercices, du reste !!!