Faire surgir le personnage pour qu’on le voie vraiment avec ses particularités physiques et l’histoire qu’il raconte, imaginer le personnage pour qu’il colle à ce que l’on veut dire, se laisser surprendre par le personnage qui dévoile ce à quoi on ne s’attend pas, il y faut tout un dispositif que les écrivains mettent rarement en place à la différence des photographes ou des cinéastes. Arriver à saisir plus d’une ou deux particularités physiques, d’habillement, de démarche, d’élocution ou de physionomie et les mettre en mots, c’est difficile. Donner cette sensation de proximité et d’évidence (c’est exactement ça, je l’ai toujours connu) et en même temps de profondeur (comme si on rentrait dans sa tête) du personnage au milieu de la diversité des types humains, c’est extrêmement difficile.
Une vieille femme ridée aux cheveux blancs longs ondulés qui vous regarde bien en face. Lèvres minces, yeux à peine visibles sous des paupières tombantes, menton un peu relevé montrant son cou flétri dans l’échancrure du chemisier recherché, mais d’un autre temps, nez majestueux. Elle s’est mis sur la tête deux plumes qui renforcent son allure de vieille Indienne. Même sans les plumes, la malice et la fierté sont là. Juliette Denis Dailleux
Un canapé ou un lit et des femmes voilées avec leur fils. Le torse nu des hommes, musclé ou enrobé, contraste avec l’habillement des mères. Et ce geste de tendresse, de confiance ou de protection que le fils fait à sa mère : main posée sur son épaule, coude appuyé sur son genou ou tête posée sur sa cuisse. Qui protège l’autre de cette mère solidement assise dont le regard un cille pas ou de son fils debout derrière elle qui pose sa main sur son épaule, mais dont les yeux s’échappent dans un ailleurs incertain ? Mère et fils Denis Dayeux
Tête penchée, yeux baissés, visage à demi caché par ses cheveux châtains, robe blanche et frêles épaules, c’est une presque adolescente sur le papier peint de sa chambre. Sasha Claudine Doury
De profil ou de trois quarts sur fond sombre, torse nu ou en tee-shirt blanc, bustes frêles et presque concaves, épaules rentrées, regards hésitants, leurs beaux visages lisses sont partiellement éclairés par la lumière naturelle d’une fenêtre qu’on ne voit pas. L’homme nouveau Claudine Doury
Le talent de ces grands portraitistes, mais aussi le dispositif qu’ils ont inventé pour mettre en valeur ce qu’ils voulaient nous montrer. Dispositif très libre laissant le choix de la pose, mais qui implique de mettre en situation le modèle pour en saisir quelque chose d’intime.
L’écriture ne se prête pas à de tels dispositifs pour créer des personnages, ce qui conduit à des caricatures. Que faire ? Chérir le hasard et l’observation en action pour trouver nos personnages. Peut-être. Être plus attentif sûrement.
être plus attentif sûrement… pas mieux. merci du ralentissement, de l’ouverture de l’attention et de l’attente contenus dans ce être attentif sûrement (mais aussi ce qui déborde, ce qui arrive et là je suis encore avec tes rencontres dans le bus)
merci jacques.
Bonjour Danièle
Belle réflexion sur les rapports de l’image et du texte. Merci pour cette intéressante suite de portraits où l’écriture fait mouche.
L’image et l’écrit, toute une histoire. Le poids des mots, le choc des photos. Comment faire que l’écrit soit aussi fort que l’image, se complète.
Merci Daniele. Comment ne pas penser au dispositif, inspiré du bertillonage, adopté par Roland Bonaparte photographiant les habitants du Suriname à Àmsterdam
https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b8626098p/f106.item
Ah je ne connaissais ni le mot bertillonnage, ni la collection du prince Bonaparte. Ma recherche serait plutôt d’un photo respectueuse des modèles et d’une écriture pleinement attentive à la vérité du personnage. Qqch comme un casting réussi. C’est osuvent ce que j’admire le plus dans les films, le casting. Découvrir Ludivine Saigner pour la faire tourner avec … dans swimming pool, c’est du génie.
l’écriture ne le dit pas si mal ici
merci Brigitte. Oui, mais il faut creuser. françois m’a donné une idée : pour faire apparaître le personnage il faut aussi à l’écrivain un dispositif à inventer ou alors se confier au hasard qui parfois produit l’instant de grâce respectueux du modèle et du projet de l’auteur.